Le film d'André Cayatte est un brillant plaidoyer contre la peine de mort. Il n'est sans doute pas utile de revenir sur une argumentation philosophique dont l'acuité et la sincérité évitent à l'ancien avocat qu'est Cayatte l'emphase et les effets de manche. La démonstration est intelligente et la thèse se décline à partir d'un scénario très bien construit, d'une histoire intéressante indépendamment du propos qu'elle inspire.
L'histoire criminelle de René le Guen (Mouloudji) commence sous l'Occupation, époque trouble où l'assassinat (d'un allemand, d'un collabo) est admis. Le Guen, création stupide d'une banlieue dévastée et misérable et d'un milieu familial sordide, apparait d'emblée une victime sociale avant de devenir, par bêtise et par pauvreté, le meurtrier que la société condamnera sans circonstances atténuantes.
En accumulant tant de fléaux sur les épaules de le Guen, Cayatte s'expose aux accusations de misérabilisme que les tenants de la peine de mort n'ont pas du manquer de lui adresser. C'est injuste, tant le récit de Cayatte est marqué par le réalisme et la vérité. L'auteur lui-même accuse: le second crime qu'est la peine de mort cette fois-ci prémédité par la société ("nous sommes tous des assassins"), la passivité complice de l'Eglise, l'esprit sécuritaire d'une bourgeoisie toujours avide de châtiments exemplaires.
Au-delà du cas personnel de le Guen, Cayatte met en scène des seconds rôles qui, chacun à sa façon, alimentent a fortiori son raisonnement, ou l'on pourra également concevoir le titre du film comme "nous sommes tous des assassins potentiels". Selon la sensibilité du spectateur, l'humanisme du cinéaste sera contesté ou pas