Le premier film de Karl Markovics a de quoi épater : sur un sujet difficile, il aurait pu tomber dans de nombreux travers (le sordide, la complaisance, le macabre, le pathos). Or, il évite tous ces écueils par un film tenu et juste. Et qui, comme son héros, sait se relancer.
À la lecture du sujet, on peut craindre le pire : enfant abandonné bébé par sa mère, Roman Kogler, 18 ans, est incarcéré dans un centre de détention de mineur depuis ses 14 ans pour avoir causé la mort d'un de ses camarades. Il doit passer devant le juge pour obtenir une liberté conditionnelle et pour cela doit avoir un travail. Roman choisit les pompes funèbres. Dans le genre karma, vous avouerez qu'il y a moins chargé ! Et de là , on ne peut que redouter certains clichés parfois faciles : sur le film de prison, par exemple, les brimades et le sadisme des gardiens ou, la violence des co-détenus. Et que dire du travail choisi par Kogler ! Quand, on voit l'abondance, de séries TV, montrant complaisamment, , corps en décomposition, on peut effectivement craindre le voyeurisme.
Or, de tout ça, rien. Que ce soit à la prison ou à son travail, personne (gardiens, codétenus,, collègues) ne fait de cadeau à Roman certes, qui ne devra que compter sur lui-même ou presque pour s'en sortir, mais rien d'outrancier, de violents pour être violent., Au, sensationnalisme gratuit ou racoleur, Markovics préfère le réalisme.
De même, dans la description précise du métier d'employé de pompes funèbres, le jeune cinéaste ne fait pas dans, l'outrancier et aborde le sujet aussi frontalement que les collègues aguerris de Kogler, font leur job : des corps lourds que l'on touche et qu'on déplace, d'autres nus que l'on lave et que l'on habille. Markovics filme ces scènes sans y attarder mais sans l'occulter le sujet : les morts sont montrés tels qu'ils sont, y compris dans leur nudité et leur vieillesse. Il n'y a rien de macabre là dedans, aucune fascination malsaine, juste un travail, qui risque néanmoins de vous isoler des autres : les jeunes codétenus de Kogler craignent qu'il ne les touche avec ses mêmes mains qui ont touché la (les) mort(s), ils ne veulent plus se baigner, avec lui. Ce qui nous vaut une jolie scène à la piscine du centre de détention.
Le spectateur, ne sait pas vraiment pourquoi ce jeune homme d'à peine 18 ans choisit un tel métier (retrouver un nouveau souffle grâce à ceux qui viennent de lâcher leur dernier...vous avouerez que c'est surprenant ! ). Le (anti) héros, campé par un Thomas Schubert toujours juste, n'est pas grand causeur et exprime peu ce qu'il ressent (une seule scène en fait où il éclate enfin en sanglot, une autre où il est visiblement attiré par une jeune touriste en goguette). Il faut dire que Markovics ne, fait pas dans le discours psychologique et se contente de faire ce qu'il fait le mieux : montrer. Sans juger, sans lourdeur. Cette attitude est encore plus vraie dans un autre volet du film que le cinéaste ouvre à mi parcours.
Vous croyiez que Nouveau Souffle était l'histoire d'un jeune homme qui veut se reconstruire par le travail ?, Eh bien pas seulement...le cadavre d'une Madame Kogler, mis par le plus grand des hasards sous les yeux du jeune Roman, réactive l'envie du jeune de retrouver sa mère et de lui demander des explications sur son abandon. Révélant petit à petit des infos sur l'histoire du jeune (son abandon, la raison de son emprisonnement), Karl Markovics relance sans cesse l'intérêt de son intrigue, lui donnant (c'est le cas de le dire) un nouveau souffle. Il y aura donc des petits coups de théâtre, des évolutions (mais pas de révolution), des choses dites, sans que le regard du cinéaste ne, s'y attarde de trop ou rajoute dans la pathos. Le sujet s'y prêtait ô combien et Markovics évite cela avec brio. Nouveau souffle est l'histoire d'un début de reconstruction et celle-ci est montrée avec dignité. Une belle qualité, la dignité.
http://www.benzinemag.net/2012/03/24/nouveau-souffle-karl-markovics/