Nouvelle donne
7.1
Nouvelle donne

Film de Joachim Trier (2006)

C’est bizarre, ça fait bizarre, légèrement, de découvrir le premier long métrage de Joachim Trier après avoir vu tous ses autres, à rebours de ce que l’on connaît désormais de son style et de ses thématiques. Et après avoir été emporté, et te laissant à chaque fois avec un souffle au cœur même quand t’y penses, ou quand t’y repenses, ou quand t’as envie de le revoir et que tu le revois, évidemment, par la beauté et la mélancolie languides d’Oslo, 31 août, mais après avoir été déçu ensuite, un peu, pas mal, par Back home et par Thelma. Et puis séduit, à nouveau, par le pétillant Julie (en 12 chapitres) qui sortira mi-octobre.


Nouvelle donne, c’est l’histoire de deux amis aspirants écrivains, si possible grands écrivains, qui le même jour envoient leur manuscrit à une maison d’édition. Celui d’Erik est rejeté. Celui de Phillip est retenu et publié. On l’encense. Phillip en fait une dépression. Six mois plus tard, Erik et ses amis vont chercher Phillip à sa sortie d’un institut psychiatrique. Phillip a tiré un trait sur l’écriture, tandis qu’Erik a continué dans cette voie-là. C’est l’heure des mises au point, des mises en doute et des remises en question… Trier et son complice Eskil Vogt ont concocté une comédie douce-amère qui parle d’une jeunesse qui bouillonne mais qui se cherche, arpentant sans relâche les champs du possible (la vie, les amis, les amours, les emmerdes, le rock, la création littéraire…) en quête de quelque chose qui aurait un sens, d’une évidence soudain.


Voir Nouvelle donne à l’aune d’Oslo, 31 août, que Trier réalisera cinq ans plus tard, et même si cela relève d’une certaine inutilité, voire de la bêtise, c’est appréhender les motifs autant esthétiques que scénaristiques qui jalonneront son cinéma. Un vague à l’âme existentiel diffus ou plus tangible (ou même autodestructeur), une place qui semble impossible à tenir dans le monde, un rapport aux autres en constant décalage, l’amour de l’art dans tous ses états… Et, dans la forme, un récit qui s’autorise des apartés, des retours en arrière ou des bonds en avant, des digressions et des chemins de traverse. Et Anders Danielsen Lie, qui alors n’avait pas prévu de devenir acteur, faisant des merveilles dans un rôle proche de celui qui le révèlera dans Oslo, 31 août.


Avec Nouvelle donne, Trier avait, a-t-il expliqué, "des ambitions formelles précises. J’étais hanté par le travail d’Alain Resnais et de Tarkovski dans Le miroir. J’étais intéressé par l’espace mental et comment le montrer au cinéma. Jeune, on saute d’une idée à l’autre, le montage est fragmenté". De fait, son film a tendance à s’oublier dans une énergie un peu artificielle, un style foisonnant qui gêne, au début, dans la compréhension des enjeux et la caractérisation des personnages (c’est plus qu’évident dans le traitement narratif, quasi inexistant, des trois amis de Phillip et d’Erik ou, dans une moindre mesure, de Kari, l’amour perdu de Phillip). Cette volonté manifeste d’inventer et de surprendre, à défaut d’emballer complètement pour cette première fois (Oslo, 31 août s’en chargera), n’empêche pas Trier d’arriver à saisir dans un seul et même élan, et à sa façon, spleen aérien et air du temps.


Article sur SEUIL CRITIQUE(S)

mymp
7
Écrit par

Créée

le 10 sept. 2021

Critique lue 243 fois

5 j'aime

1 commentaire

mymp

Écrit par

Critique lue 243 fois

5
1

D'autres avis sur Nouvelle donne

Nouvelle donne
Clode
7

La vie après les rêves

Deux jeunes amis aspirant auteurs, Erik et Phillip, postent leur manuscrit en même temps. L’image est pale, presque morne, avec ses nuances de gris. Les deux jeunes hommes sont vêtus de noir. Seule...

le 21 mai 2015

8 j'aime

Nouvelle donne
Queenie
7

Palimpseste.

Je ne me souvenais pas bien de Oslo 31 août. Et puis aux premières images de Nouvelle donne, l'effet a été tout de suite étrange : reconnaître les acteurs, l'ambiance, les décors, les thématiques,...

le 25 avr. 2013

8 j'aime

Nouvelle donne
mymp
7

Ô, jeunesse ébahie

C’est bizarre, ça fait bizarre, légèrement, de découvrir le premier long métrage de Joachim Trier après avoir vu tous ses autres, à rebours de ce que l’on connaît désormais de son style et de ses...

Par

le 10 sept. 2021

5 j'aime

1

Du même critique

Moonlight
mymp
8

Va, vis et deviens

Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...

Par

le 18 janv. 2017

181 j'aime

3

Gravity
mymp
4

En quête d'(h)auteur

Un jour c’est promis, j’arrêterai de me faire avoir par ces films ultra attendus qui vous promettent du rêve pour finalement vous ramener plus bas que terre. Il ne s’agit pas ici de nier ou de...

Par

le 19 oct. 2013

180 j'aime

43

Seul sur Mars
mymp
5

Mars arnacks!

En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...

Par

le 11 oct. 2015

162 j'aime

25