A l’instar de Revoir Paris sorti il y a quelques semaines, Novembre s’aventure sur le terrain miné de l’Histoire très récente : restitution de la traque des terroristes du 13 novembre 2015, il propose, comme le film de Winocour, de graviter très près de l’irreprésentable, en ayant la décence de ne pas en faire le cœur de son récit. Novembre est une course contre la montre resserrée sur les cinq jours qui mènent à la localisation de deux terroristes susceptibles de mener une nouvelle action dans la capitale.
Jimenez sait très bien où il met les pieds : le succès et les polémiques ayant accompagné la sortie de Bac Nord lui ont donné une série de leçons qu’il va s’appliquer à respecter avec le plus grand soin. L’encart informe ainsi que son œuvre reste de fiction, et ira même, dans le carton final, jusqu’à préciser que le voile porté par un personnage ne reflète pas les convictions de la personne réelle à laquelle il correspond. Ce souci de diplomatie et de désamorçage des futurs scuds envoyés sur l’œuvre plane sur son intégralité. Le récit est ainsi documenté, resserré à l’extrême, et se retient d’une grandiloquence qui pourrait exploiter le sujet pour le transformer en spectacle. Les personnages sont des fonctions, rivés à la tâche, et dont les rares complexités consistent à composer avec les ratés de certains services, expédiés comme des chapitres nécessaires, mais qui ne donneront aucune chair à la narration. Le défilé des stars participe à cet embarras général, dans des rôles où la marge de manœuvre est volontairement réduite, puisqu’on leur refuse autant l’héroïsme béat que la véritable nuance : Kiberlain récite, Dujardin tente une autorité nerveuse dans des interrogatoires assez embarrassants, et Jérémie Renier se limite à donner des instructions dans des bureaux en effervescence.
Jimenez n’est pas pour autant totalement paralysé par son sujet : la nervosité de son cinéma se ménage quelques séquences choisies, que ce soit la filature dans un marché ou l’intervention finale, qui confirme sa gestion des espaces et du rythme au profit d’une tension sur la durée. De la même manière, la gestion de l’indic et des doutes quant à sa fiabilité laisse enfin le temps à de véritables échanges, et vient un peu densifier les rapports humains sur le dernier quart du récit.
Mais cette prudence généralisée ne parvient pas à s’estomper, d’autant que bien des choix assez paresseux de représentation engluent eux-mêmes l’énergie nécessaire à un tel projet. Novembre est un film de bureaux qui ne parvient pas à se débarrasser des tics dignes de téléfilms, que ce soit dans les laborieuses expositions des faits (la manière dont les personnages répètent systématiquement à voix haute ce qu’ils entendent au téléphone) ou les poncifs des photographies étalées au sol dans le bureau, voire reliées par un fil rouge sur un tableau de liège. Le film a beau traiter un sujet récent, il le fait avec une codification vieillotte, familière d’un public qui pourra, croit-il, y voir une forme de respect des traditions et non une obscène exploitation par le sensationnalisme.
On en vient légitimement à se demander les raisons pour lesquelles Jimenez a choisi ce sujet, si c’est pour final brider à ce point son cinéma. Sans doute parce qu’il ne pouvait résister à l’écho qu’il rencontrerait au moment de sa sortie, qui plus est en l’associant à un casting aussi bankable. Une formule qui avait fait mouche avec Bac Nord. On en vient à conclure que Jimenez avait finalement raison de ne pas pousser trop loin l’exploitation putassière de son sujet, et qu’il devrait à l’avenir laisser s’épanouir son talent dans la fiction.
(4.5/10)