Sur les plans formel et sensoriel, Nuestro tiempo est sans nul doute le plus somptueux film de ce début d'année. Certaines scènes (combat de taureaux dans la brume du petit matin ; concert avec timbales ...) sont éblouissantes. On connait le talent plastique du mexicain Carlos Reygadas depuis ses débuts, notamment avec Batalla en el cielo et Lumière silencieuse, mais c'est dans la catégorie minimaliste qu'il émargeait plutôt avec des narrations peu étoffées et insatisfaisantes. Nuestro tiempo est d'une autre trempe, ambitieuse, cosmique et tellurique même si l'intrigue centrale ne méritait peut-être pas un enrobage aussi dense (prétentieux, diront ses contempteurs). Il s'agit assez banalement de la crise d'un couple qui a pourtant signé une sorte de contrat de liberté mutuelle mais qui est gêné aux entournures quand l'infidélité survient. Un sujet qui doit véritablement concerner le réalisateur puisqu'il joue le premier rôle au côté de son épouse et que le tournage a eu lieu dans son propre ranch. Que l'on se rassure, Nuestro tiempo n'a rien à voir avec une autofiction à la Angot, c'est un film assez souvent versé dans le symbolisme (des taureaux et des hommes) et qui se permet une longue ouverture hédoniste et enfantine, superbe, surprenante et hors sujet. Si l'on n'est pas fasciné par le style à la fois élégiaque et cruel de Reygadas, le temps risque cependant de paraître un peu long dans ce métrage de 3 heures qui alterne grands moments contemplatifs et dialogues presque dignes de Scènes de la vie conjugale. La conclusion du film, comme d'ailleurs son affiche mexicaine (elle est magnifique. Pourquoi n'a t-elle pas été conservée en France ?) laisse la vedette aux taureaux du ranch. A chacun d'y trouver la signification qui lui siéra.