Sur un plan purement cinématographique, "Numéro une" est un très bon film. Un casting solide et des acteurs qui jouent tous très bien, Emmanuelle Devos en tête parfaitement entourée par Richard Berry, Benjamin Biolay, Jérôme Deschamps, Sami Frey notamment (et pour ne citer que les hommes^^). Une intrigue solide, un scénario à rebondissements et une toile de fond parfaitement tissée, à savoir l'univers impitoyable où se côtoient et s'entremêlent politique et business : un monde de prédateurs, hommes comme femmes, dans lequel tous les moyens - en particulier les plus tordus - sont bons pour arriver à ses fins. La misogynie faisant bien évidemment partie de l'arsenal, dès lors que l'adversaire est une femme. Mais celles-ci ne se privant pas de leur côté d'instrumentaliser la cause féministe au profit de leurs ambitions personnelles. En vérité, tout est bon pour grappiller un peu plus de pouvoir et le film nous décortique tout ça avec une méticulosité parfois jubilatoire.
Et du coup, le message féministe - qui est sans doute le propos initial de la réalisatrice - se dilue peu à peu dans le panier de crabes. Et il finit par s'effondrer totalement à l'occasion d'une fin niaiseuse à souhait : discours enthousiaste d'Emmanuelle Devos, devenue - on peut s'en douter - la première femme à diriger une entreprise du CAC 40, devant un parterre d'entrepreneuses qui s'auto congratulent d'avoir si bien œuvré pour la cause des femmes. Mais entre gens du même monde : pas d'ouvrières, pas de caissières, pas d'infirmières, pas de clochardes dans la salle. Et puis le plan final de la fille (de 6 ans) d'Emmanuelle courant sur la plage de Deauville, sur fond musical, et les pensées de la mère sur le mode rien ne sera plus jamais comme avant. Plouf !
Car il y a bien trop de ficelles dans ce film, et elles sont bien trop grosses. Emmanuelle est bienveillante, compétente, courageuse. Elle travaille pour une sorte d'EDF imaginaire, mais elle ne vend pas de nucléaire : que des éoliennes. Elle est capable de chanter "le petit bateau blanc" en mandarin avec ses clients chinois, de rester humble lorsqu'elle partage le dortoirs des ouvrières sur une plate-forme offshore. Son adversaire Beaumel (incarné par un excellent Richard Berry) est ignoble, corrompu et évidemment débauché, voire obsédé sexuel. Idem pour son âme damnée et souffre-douleur Roncin.
Il ressort de tout ça l'impression et le sentiment d'une idéologie à deux balles : mettons un peu d'huile de féminisme dans les rouages de notre système corrompu (attention, pas structurellement corrompu, mais juste à cause de gros véreux comme ce salaud de Beaumel) et tout ira mieux. Car seules les élites sont suffisamment éclairées pour le faire : tout le monde sait bien que les prolos sont trop cons pour être autre chose que de gros machistes. Ou encore comment donner l'impression qu'on change tout sans rien changer, "Numéro une" est d'une certaine façon un film que l'on pourrait considérer comme ... très macronien. Tiens, tiens.