C'est là la particularité de Jacques Perrin ; de ne pas faire des documentaires classiques mais de nous délivrer à chaque fois des films, réels, qui multiplient l'impact sur nous, les spectateurs et dévoilent le style de son auteur.
En s'attaquant, après le ciel, et avant la terre (avec Les Saisons) à la mer, Perrin et Cluzaud ne pouvaient que nous bluffer. Rendant à son élément toute sa profondeur, tout son mystère, toute sa puissance, son insaisissabilité, le film est une plongée autant puissante qu'éprouvante dans les fonds-marins, dont on découvre la face cachée sans jamais se sentir en voiler l'étrangeté, le secret, la discrétion.
Oscillant comme toujours entre micro et macroscopie, Jacques Perrin nous offre un voyage, des molécules aux planètes, du krill à la baleine bleue.
La photographie, l'image, propose dans sa beauté plastique une immersion totale sous les eaux.
Perrin nous raconte ici une histoire et joue ainsi avec nos émotions. Le tout souligné par la bande originale superbe de Bruno Coulais qui, à la manière d'un film muet (ce que serait en fait le film si un travail d'effets sonores en post production admirable et immersif n'avait pas été fait) souligne les événements filmés, la majestuosité des animaux, leur puissance impressionnante. Les scènes s'accompagnent de sentiments (drôle, effrayant, triste, épique...) que l'on n'aurait jamais suspectés, et qui donc nous frappent d'autant plus, surtout lorsque l'on remarque le soin avec lequel la faune sous-marine n'est jamais anthropomorphisée (comme celle terrestre le sera un peu dans Les Saisons).
Parfois même, avec Océans, l'image se fait abstraite, hypnotique. Perrin filme les couleurs, les formes, les éléments, les écailles, les peaux, les corps au plus près, nous perd dans leurs détails et dans la beauté de son image pour au final nous faire perdre toute notion d'échelle.
On est donc là dans un travail d’orfèvre de l'image, qui dura plus de 4 ans, dans du grand cinéma, épique et merveilleux, intelligent et discret, jusqu'à son message écologique, fort, présent mais peu appuyé, que l'on accueille les yeux grands ouverts.