Tout ça sent la fin de règne. Tout le monde s’en moque, et ça se voit sur l’écran. Le scénario, tout d’abord. Le postulat de base vaut ce qu’il vaut (des méchants veulent absolument acheter un des œufs de Fabergé. Pourquoi ? On s’en fout…), mais plus on avance, et plus l’ensemble sombre dans une nébulosité rarement atteinte.
Le scénario étant bordélique, on revient aux fondamentaux qui ont plombé la série : les gadgets et les passages secrets partout, les phrases à double sens dignes des GROSSES TÊTES…
On est en pleine fin de série, ou en recyclage, c’est selon : la méchante (qui ne l’est pas tant que ça finalement), bien qu’étant pour la première fois une femme, fut déjà James Bond Girl dans L’HOMME AU PISTOLET D’OR (Maud Adams, avec dix ans de plus) ; son bras droit est joué par un petit jeune de 64 ans, Louis Jourdan, acteur ayant eu de nombreux rôles dans les années 50 ; Moore fait nettement ses 57 balais, et le régécolor commence à bien se remarquer (pour atténuer l’entreprise de destruction massive, on le fait échouer au milieu d’une île remplie de femmes).
La mise en scène est molle, les acteurs sont mauvais (la palme à l’acteur jouant le général Orlov, en roue libre totale), les décors se veulent somptueux, ils sont kitsch, le tout ressemble à une vraie série B.
Les scénaristes, en plus de la profondeur abyssale d’ennui qu’ils ont su créer, réussissent à inventer la vacuité en série. C’est long, et vire souvent au grand nawak : la poursuite en Inde devient une parodie involontaire (?), la chasse à dos d’éléphant se transforme en accumulation des clichés sur la jungle (la palme étant Moore volant de liane en liane avec le cri de Tarzan en fond sonore), le sous-marin alligator (no comment), Bond rattrapant un avion avec …un cheval. Le vrai symbole est cette image de Bond sauvant le monde déguisé en clown, et attaquant le palais à bord d’une montgolfière aidée par des artistes de cirque.
Entre deux cuites à la bière, les scénaristes ont eu quelques idées sympas : la séquence pré-générique avec l’avion pliable, la spectaculaire scène finale en avion, le tueur à la scie circulaire (qui permet un petit clin d’œil à Shining), l’apparition de dissensions dans le bloc de soviétique.
Quitte à faire du n’importe quoi, autant y aller dans les détails : parmi les acteurs cascadeurs jouant les voleurs, on trouve un Ray Charles, un Michael Moore, et un Talib Johnny. Une merveille de n’importe quoi.