Après Rien que pour vos yeux fait pour rassurer le public nostalgique de la qualité dans la série, la production a repris le chemin tracé par Moonraker. Cette fois, cependant, ils ont pris le temps d'écrire un scénario original au lieu de faire un remake, mais bon...
Un peu à la manière de L'Homme au pistolet d'or, le film commence tranquillement et de façon plutôt accrocheuse après un prégénérique et un générique sans envergure (chanson sirupeuse et ennuyante à souhait, comme la musique de John Barry). Mais ça se gâte beaucoup plus vite que dans le film de 1974 (les bruitages de match de tennis pour sonoriser la bagarre lors de la poursuite dans les rues d'Udaipur). On va retrouver ensuite rapidement toutes les débilités du niveau de Moonraker durant une chasse à l'homme qu'il fallait obligatoirement caser, vu qu'on est en Inde. Pas vrai ? Bond face à un tigre sauvage à qui il ordonne de se coucher (ce qu'il fait). Un serpent qui lui rampe dessus à qui il dit de se tirer ou encore, plus beau, Bond qui saute de liane en liane avec le cri de Tarzan pour l'illustrer (Weissmuller original). Plus tard, on appréciera le clin d’œil à Alien, le repas chez Kamal Khan (dont le principe sera plus développé l'année suivante par Spielberg et Lucas dans Indiana Jones et le temple maudit) et le faux crocodile dans lequel Bond se cache pour gagner l'île d'Octopussy. C'est d'ailleurs elle (Octopussy) qui est le seul véritable intérêt de ce film foireux. Incarnée par la belle Maud Adams (la Andrea Anders de L'Homme au pistolet d'or), elle occupe une place majeure dans l'histoire ; ni amie, ni ennemie. Jamais un personnage féminin (en dehors peut-être de Tracy dans Au service secret de Sa Majesté) ne s'était vue accorder autant de place dans un "James Bond". Et avec sa cohorte de femmes, elles tiennent la dragée haute à la clique de Kamal Khan, campé par Louis Jourdan, plus tête-à-claques que jamais, dont on se demande ce qu'il fout là, tant il n'a rien d'indien.
Après, on a une série de péripéties plus ou moins débridées dans un train, dans un cirque ou sur un avion. Et on en profite pour nous montrer de joviaux Allemands qui bouffent des saucisses-bière en conduisant une coccinelle. Comme c'est spirituel !
Octopussy est sorti un peu plus d'un mois avant Jamais plus jamais qui marquait le retour de Sean Connery dans la peau du personnage vieillissant. Ici, Bond est traité comme toujours, comme un jeune et bellâtre espion dynamique d'une trentaine d'années. Moore a 56 ans et Sean Connery en a 53. Cherchez l'erreur.
On voit clairement que la production officielle dispose de moyens plus conséquents, au point d'avoir parfois l'impression d'être dans une production Disney (c'est coloré, c'est exotique, c'est mouvementé, la violence est aseptisée). Ils en ont fait des tonnes et ont rempli les salles auprès d'un public peu exigeant, avide de divertissement facile pour gagner la "guerre des Bond". Mais avec le temps et le recul, on constate que l'autre, qui repose sur un scénario plus cohérent avec une distribution de choix, tient beaucoup mieux la rampe. Au sommet de l'affiche originale d'Octopussy trônait la péremptoire mention : "Le meilleur des Bond !" En fait, rien n'est moins vrai. On peut le voir une fois et le trouver plaisant. Mais après, on le jette et on l'oublie.