Œil-dipe roi
Les dieux l'ont annoncé Œdipe, tu dois fuir ta famille, telle est la seule façon apparente de fuir la prophétie. Marcher, marcher, marcher... Œdipe fuit sa famille en pensant qu'il va embrasser la...
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le 14 sept. 2014
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Le film "Edipo Re" a été réalisé par Pasolini en 1967. Il est une adaptation des pièces de Sophocle Œdipe Roi et en partie Œdipe à Colone.
Comme c'est du Pasolini, donc, il faut s'attendre à un peu tout et n'importe quoi : pour une fois, j'ai trouvé une certaine justesse de ton par rapport à ce que je m'imagine du théâtre tragique grec.
Il y a une certaine volonté de la part du réalisateur qui est aussi le scénariste de mélanger les époques ; personnellement, ça me gène d'autant moins que je suis persuadé que c'est au fait qu'on puisse adapter ces mythes à n'importe quelle époque et n'importe quelle sauce qu'on peut mesurer l'universalité et la puissance de ce théâtre.
Tout se passe aussi comme si le petit bébé (en Italie, dans les années 20 ou 30) rêve le mythe d'Œdipe, le vit et au réveil, se retrouve dans les années 60 en Italie, aveugle et errant avec un guide dans la ville avec une flûte avec laquelle il joue.
Donc, le scénario démarre dans un prologue dans les années 1920 ou 1930 en Italie par la naissance d'un petit garçon fils d'un officier (qui n'a pas de nom mais qui correspondrait à un lointain descendant de Laios) et d'une femme (qui n'a pas de nom dans le prologue mais qui correspondrait à Jocaste).
Une succession de tableaux paisibles montrent le bébé, goulu, au sein de sa mère, dans la campagne fertile et verdoyante avec sa mère, heureuse tandis que le père s'inquiète peu à peu de la place que prend cet enfant chez la mère (on doit pouvoir parler de jalousie de la part du père) et d'une prédiction qu'il lit et dont on ne connait pas vraiment le détail.
Puis un fondu enchaîné nous projette brusquement dans une Antiquité lointaine, archaïque, dans un paysage désertique où on voit un homme qu'on suppose être le serviteur de Laïos porter le bébé, pendu par les chevilles et les poignets à la manière d'un animal puis le déposer au sol et s'en revenir non sans avoir croisé un autre serviteur qui recueille l'enfant et le porte à son maître, roi de Corinthe Polybe et sa femme Merope qui ne peuvent avoir d'enfant. Le premier serviteur n'ayant pas tué le bébé comme cela lui avait été ordonné, les éléments de base de la prédiction épouvantable du mythe sont maintenant en place. Que le Destin se mette en marche !
Le jeu des acteurs est très visuel et épuré. Il y a peu de dialogues. Beaucoup de choses passent par l'expression du visage ou bien par la position (assise, couchée, en marche).
On passe d'une scène à l'autre sans transition comme si on est dans une galerie de tableaux et qu'on passe de l'un à l'autre.
Le tournage a été principalement effectué en Afrique, au Maroc, dans des ruines ou des maisons en ruine. On devine la ville d'Ouarzazate (la casbah, semble-t-il) dans le désert, avec ses grands bâtiments majestueux en terre et peu d'ouvertures vu de l'extérieur et surtout personne.
A la fin, au retour du rêve ou au retour du mythe, Œdipe se retrouve aveugle à Bologne assis sur les marches d'une grande église à jouer de la flûte pour les gens qui circulent qu'ils soient des touristes ou des passants. Puis, accompagné de son guide qui était le messager" dans l'Antiquité et qui s'appelle désormais Ange, il erre dans des quartiers nettement industriels où cette fois il joue de la flûte pour les ouvriers. A la fin, la boucle est bouclée puisqu'il retrouve le lieu de sa naissance avec les maisons désormais fermées.
La musique qui accompagne le film est de plusieurs sortes. Au début, une musique agréable, puis pendant que se déroule le mythe, dans les moments critiques, une musique simpliste avec une flûte dans le suraigu à deux voire trois tons puis dans les périodes heureuses du mythe, des chants plutôt beaux qui me semblent africains (je n'ai pas réussi à les identifier). A la fin, au retour du mythe, il n'y a plus que la flûte d'Œdipe.
Il y a très certainement dans ce film un second degré où Pasolini fait passer des données autobiographiques, peut-être même sur ses relations avec ses parents avec probablement une dimension très métaphysique voire freudienne.
Honnêtement, j'ai regardé ce film au premier degré et il m'a déjà bien plu de cette façon. Je n'irai donc pas chercher à interpréter les symboles ou la psychologie souterraine et préfère m'en tenir au mythe.
Côté interprétation, bien évidement c'est le personnage de la mère et/ou Jocaste qui domine le film. Silvana Mangano est absolument superbe avec son visage très pur, un peu inexpressif et froid comme voulu par le scénario et la distance voulue par le mythe. Seuls les yeux communiquent l'amour ou la passion.
Le personnage d'Œdipe est joué par Franco Citti, acteur qui a beaucoup joué chez Pasolini. On l'a aussi vu dans la trilogie du Parrain où il joue le rôle d'un berger garde du corps de Michael Corleone lors de son séjour forcé en Sicile.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes De la Préhistoire au Haut Moyen Âge en passant par l'Antiquité, Adaptations au cinéma de livres que j'ai lus et Les meilleurs films de 1967
Créée
le 17 févr. 2021
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