Ogroff est de ces films qui marquent au fer rouge la cervelle des spectateurs égarés mais dont chaque nouveau visionnage est pourtant une quasi-totale redécouverte. Une porte ouverte vers une autre dimension qu'on ne parvient pas vraiment à situer dans la galaxie cinématographique. On est évidemment à proximité de Devil Story mais se contenter d'une telle comparaison serait vraiment réducteur, passant sous silence la dimension psycho-expérimentale du rejeton primordial de Norbert Moutier.
Le 8 mm quasi-muet est une agression polysensorielle confinant à la fascination morbide : grain grossier unique, variations de luminosité générant une totale confusion des repères temporelles, bande-originale sublime de bout en bout (impossible de se remettre du proto-électro-dub de la séquence de la molestation de la 2CV innocente)...
L'absence de contextualisation des agissements du bucheron fou (l'introduction coupée, présente en bonus sur le DVD, la contient pourtant) entraine le spectateur dans une vaine tentative d'intellectualisation ce qu'il se passe à l'écran, tendant ses nombreuses perches à l'interprétation : de la masturbation de hache aux relations amoureuses déviantes de ce qui s'apparente à une serial killer fuckeuse (cousine des starfuckeuses), en passant par l'obsession de Moutier pour les zombies, dont l'intérêt dans le présent film est majeur car ils transforment le statut de Ogroff de simple boogeyman en gardien incompris d'une menace bien plus grave (en fait, une continuation de son rôle de résistant).
A noter également une discrète critique de la disneysation des esprits (le Journal de Mickey piétiné par les bottes ou le Donald aspergé de sang). Norbert n'est pas le premier Lucas venu, nulle proposition hors de prix ne l'amènerait à céder son œuvre aux sirènes hollywoodiennes.
Je passe sous silence la mythique séquence d'affrontement hache contre tronçonneuse tant sa perfection chorégraphique et émotionnelle se verrait salie par des mots mal choisis et je préfère conclure en mettant en lumière cet élément, si discret et pourtant si fondamental à mon sens pour donner une cohérence au personnage ogroffien : son bonnet. Sans cet apparat vestimentaire qui m'a fasciné durant tout le visionnage, je pense que nul ne contredira que le film ne serait pas ce qu'il est en l'état.
Mon avis de 2007, lors de la découverte du chef d’œuvre.
Beaucoup de points communs avec Deathproof : des plans culs, des bagnoles, des destructions de bagnoles, une ambiance retro avec des effets de pellicule merdeuse et une bande-son surprenante, des morts crapoteuses, et là où Tarantino nous fait son fétichiste des pieds, Norbert lui est un vrai maniaque des mains (surtout coupées). Sauf que là, c'est 100% français, môssieur. Ca sent bon le camembert oublié sur un radiateur, le pâté de foie avarié, la piquette vinaigrée. Cocorico.
Soyons sérieux 2 secondes (bien que ce que je viens de dire est entièrement vrai). Mad Mutilator fait plus que piquer les yeux : il remonte via les nerfs optiques pour agresser directement le cerveau et provoquer plus de dégâts qu'une trépanation au destop. 10 lignes de dialogue en tout et pour tout (dont plusieurs inaudibles, et au moins 5-6 à la fin), un montage audio à une piste qui vaut bien le montage vidéo (Norbert a dû prêter au technicien sa hache fétiche), des FX qui ont de l'ambition (heureusement pour eux, sinon ils n'auraient plus rien), des musiques qui ravagent tout (du doom-dub-experimental-electro-bruitiste), des rebondissements scénaristiques inconcevables, une thématique sexuelle osée, un bestiaire monstrueux dignes des plus grands, bref, encore ouné chef d'oeuvre oublié de notre patrimoine.
Niveau rythme, c'est un peu comme Deathproof, la règle des tiers : 1er tiers d'exposition, qui prend son temps (une course poursuite à pieds de 10 minutes), 2ème tiers d'action avec plein de morts (Norbert à moto : un grand moment d'hilarité incontrôlable), 3ème tiers d'étirement où y'a plus trop de sou ni d'idée, mais c'est pas grave, on va filmer des zombis marcher pendant 10 minutes (le parallèle avec le début dénote la puissante maitrise réalisatrice de Mr Mount).
Mad Mutilator partage donc beaucoup avec Devil Story, mais ne joue pas vraiment dans la même cour (de la multiplicité des sous-sous-sous-genres du ciné français). Question nanar, je préfère le premier, mais Ogroff demeure une expérience indispensable (toutefois, mieux vaut être plusieurs pour l'affronter, et avoir déjà testé sa résistance sur des gros morceaux).
Je pourrais encore en parler des heures et des heures mais le plus simple reste encore de dire tout simplement : merci monsieur Mount.