Tout commençait bien… Et puis soudain les vieux démons.

Vous vous souvenez d’Alan Grant et d’Ellie Satler ?
Il s’agit des deux principaux protagonistes de Jurassik Park, le petit bijou que Steven Spielberg nous a pondu en 1993.
Au début du film, Alan et Ellie sont invités à visiter une île sur laquelle on a construit un parc à dinosaures.
Ça avait l’air scabreux dit comme ça, mais comme l’hôte semblait sûr de son coup, disposant de moyens d’apparence solides. Alan et Ellie ont fini par accepter l’invitation.
Et franchement, aux premiers abords, bien leur en a pris tant l’attraction paraissait maitrisée et le spectacle à la hauteur d’ambitions pourtant colossales…


Eh bien voyez-vous, aller voir Old c’est un peu comme accepter de se rendre à Jurassic Park.
Au premier abord ça a l’air scabreux comme ça, mais on se dit d’un autre côté que Shyamalan est revenu de loin depuis déjà quelques films et qu’il a l’air désormais de savoir ce qu’il fait. Et d’ailleurs, sitôt on arrive sur place qu’on se dit dans un premier temps qu’on a bien eu raison d’écouter notre curiosité…
…Car Old est clairement comme Jurassic Park : tant que l’attraction reste sous contrôle c’est l’extase, mais sitôt le courant arrête-t-il de circuler un instant dans l’enclos que c’est le début d’une terrible réaction en chaine qui va tout dévaster sur son passage.


Ah ça… L’illusion de ce film a tenu grosso modo une bonne demi-heure et, franchement, pendant tout ce temps là, c’était le pied.
Ah ça ! On pourra dire tout ce qu’on voudra de Shyamalan mais il a clairement un talent d’orfèvre qu’il sait parfois mobiliser avec talent.
Toute cette introduction n’est qu’une démonstration de maitrise totalement au service de son propos. Chaque plan est pensé et sculpté au regard de ce qu'il a à dire.
Ici, un jeu sur la longueur focale pour présenter les protagonistes selon leur affirmation dans l’âge.
Là, un impressionnant mouvement ascensionnel puis plongeant au-dessus d’un arbre mort au moment d’arriver sur « le fameux lieu ».
Ou bien encore là un plan sur les rides d’une jambe qui révèle déjà le temps qui commence à marquer les corps sans qu’on s’en aperçoive vraiment.
Et puis il y a tous ces dialogues dont aucun n'est innocent. Alors certes on pourra leur reprocher un aspect un brin factice mais pour ma part je trouve que ça ne jure en rien au regard de comment ce film se présente à nous : comme une énigme qui se tisse devant nous et dont on sent déjà par avance qu’il va falloir être attentif à chaque détail pour mieux la démêler.


Cette maitrise, comme je le disais plus haut, tient en tout et pour tout une bonne demi-heure donc....
Une demi-heure à se régaler de plans élégants, savamment réfléchis.
Une demi-heure à apprécier ce talent véritable qu’à Shyamalan pour choisir des gueules – et surtout à savoir les filmer.
Une demi-heure durant laquelle on se sent confortablement installé dans un film a la démarche certes singulière et scabreuse mais dont le maitrise générale de l’ouvrage rassure.
Comme Alan et Ellie à leur arrivée à l’hôtel juste après avoir vu un couple de bracchiosaures, j’avais des étoiles plein les yeux et je ne m’inquiétais pas outre mesure ; seulement de quelques détails de forme et de sens…
…En tout cas je ne me sentais pas en danger.
A tort.


Car oui, après avoir passé un bon petit moment vraiment agréable en navigant entre du Lost, du Dix petits nègres, voire même de la Sentinelle, brusquement, Shyamalan craque.
Ça se joue en peu de temps, mais la décadence est sensible, brutale, presque choquante.
C’est même franchement assez terrible de constater comment Shyamalan régresse dans certains travers qu’on était pourtant en droit de considérer comme révolus.
Sensationnalisme. Cris. Caméras qui bougent abusivement… Jusqu’à ces tentations de jumpscares qui, quand bien même ne s’expriment-elles pas dans leur forme la plus caricaturale, n’en restent pas moins présentes.
Malgré tout, je pense qu’au milieu de tout ça, la pire des dégénérescences concerne certainement l’écriture des dialogues.
Soudain il faut tout expliquer, mettre des mots sur les phénomènes. Et si j’entends que certaines choses devaient s’imposer un minimum…


…notamment comment expliquer ce phénomène un chouilla contre-intuitif, et surtout comment expliquer que les cheveux et les ongles ne poussent pas…


…d’un autre côté, la méthode utilisée par Shayamalan est totalement à côté de la plaque et sombre clairement dans le scénario de série B…


Le mec qui sort sa théorie de nulle part concernant les ongles c’est déjà grossier, mais le carnet de science-fiction pour apporter une piste au sujet de la nature de cette plage, c’est carrément n’importe quoi.



A partir de là, je l’avoue, j’ai eu du mal à regarder ce film comme une fiction face à laquelle j’acceptais de suspendre encore un temps soit peu ma crédulité.
J’ai juste vu Shayamalan tenter d’aborder des aspects potentiellement intéressants de son postulat mais sans parvenir à en faire quelque-chose de vraiment saisissant.
A chaque fois le sujet est posé là, trop rapidement, puis est traité trop verbeusement pour vraiment susciter une quelconque réaction sur la durée.
En cela, ce film ne parvient pas à laisser infuser sa bizarrerie. Il ne nous laisse pas suffisamment avec des questions. Il faut qu’il nous impose ses réponses, lesquelles s’avérant souvent décevantes d’ailleurs.


La grossesse de Kara étant pour moi une très belle illustration du problème de l’écriture de ce film.



Ainsi, bon an mal an, Old finit par retomber dans les anciens travers des films de Shyamalan. Quoi que…
En d’autres temps, Old se serait fini par une fin à twist. Ici, on n’a davantage affaire à une révélation finale.
D’un côté c’était attendu et Shyamalan a au moins ce mérite de ne pas se dérober, d’un autre côté cette conclusion présente le double défaut d’être amenée avec une nonchalance assez lamentable…


« Oh mais au fait, j’ai la solution dans mon sac ! Quel imbécile ! Décryptons tout de suite le mot magique, vite ! »


…mais en plus d’être assez téléphonée, ce révélation ne parvient pas produire un quelconque percussion dans cette dernière ligne droite.


Parce que bon, au final la révélation au sujet de la grande expérimentation tombe un peu à plat. Certes, je n’avais pas forcément pensé à ce type d’expérience là spécifiquement, mais d’un autre côté je n’ai pas pu m’empêcher de me dire « ça ou autre chose finalement, qu'est-ce que ça change ? »


Il y a dans cette résolution finale quelque-chose de très convenu, de « il fallait bien que ça se finisse d’une façon », sans que ces derniers instants ne sachent nous laisser sur une question lancinante ou un sentiment persistant.
Il y a juste cette idée de « voilà c’est fini » sans qu’au final aucune des idées fortes que le film a cherché à développer dans le film ne soit porté par la conclusion.


Ce triste plan final sur l’étendue de mer est d’ailleurs en soi un terrible signe de manque d’inspiration.



Au final, je suis sorti de ce film comme Alan Grant et Ellie Satler ont quitté Isla Nubla.
En hélico, le visage couvert de sang, exténués…
Alors certes, j’avais bien moi aussi un petit sourire au coin des lèvres parce que j’avais l’impression que, l’air de rien, je ne repartais pas sans rien.
Mais d’un autre côté, il me suffisait simplement de me remémorer quelques images pour me rendre compte de quoi je sortais vraiment.


En priorité j’aurais envie d’évoquer cette sublime tumeur entièrement soignée au couteau et sans infection alors que tout le monde y a mit les doigts (quand on sait qu’une entaille au couteau rouillé te transforme immédiatement en Gremlin, c’est assez stupéfiant).
Mais je n’oublie pas non plus la pauvre Chrystal qui se transforme en femme araignée lors de ses derniers instants.
Et enfin que dire de ce tunnel de corail magique ô combien arrangeant qui se trouve en plein milieu de cette maudite plage ou bien de ce pouvoir mystérieux qu’a Maddox de changer de couleur de yeux en vieillissant…


…Quelques images qui suffisent donc à me rappeler d’où je reviens.
Et qui m’attristent.


Parce que oui, autant d’un côté j’ai envie de conserver une certaine sympathie à l’égard d’un film qui a eu le mérite de tenter et d’offrir de belles choses, et autant, à un moment donné, je ne peux m’empêcher de rester lucide sur la trajectoire prise par cet Old
…Voir sur la trajectoire qu’est en train de nous prendre Shyamalan.
Parce que bon, c’est bien gentil de sourire à la fin dans l’hélico parce qu’on se contente du moment présent, mais on est aussi en droit de grimacer en anticipant l’avenir.


Parce qu’il serait quand même triste que M. Night Shayamalan s’égare à nouveau sur la voie d’un triste Monde perdu…
Rien que d’y penser, je m’en fais déjà des cheveux blancs, et pas besoin de plage mystérieuse pour cela…

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le 29 juil. 2021

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