Un chef d’œuvre absolu. Il est l’image de toute la maitrise de son réalisateur, un artiste total qui fait transparaître dans tous les aspects de son œuvre une puissance évocatrice et une beauté incontestable. Tout n’est que contraste dans ce film aux multiples facettes, il est avant un tout un film de vengeances, imbriqués les unes dans les autres, mais aussi une enquête remontant dans les souvenir des personnages torturés, mais c’est aussi une histoire d’amour à plusieurs niveaux plus ou moins malsains. Ce film qui a fait la renommée de son artiste avec une intelligence rarement reproduite par la suite. Chacun des aspects artistiques du film peuvent faire l’objet d’une analyse. Par exemple le travail des couleurs n’est en aucuns cas anodin, avec le violet de la folie malsaine du kidnappeur, le rouge de l’amour du personnage pour la jeune femme, le vert pour la prévision insidieuse de l’a penthouse, les couleurs chaudes de sa cellule oppressante. Le travail sur la musique rythme avec perfection la chasse qui se transforme presque en une forme de danse, un fuis moi je te suis autour duquel les personnages se meuvent, le héros est hasardeux alors que son némésis connait tous les pas et mène cette chorégraphie mortelle. Cette danse est portée par les performances splendides des deux acteurs, rayonnant de souffrance et de justesse tout le long du long métrage. Les révélations progressives nous poussent dans une spirale de folie, d’angoisse et d’horreur et progressivement nous réalisons, sans vouloir l’accepter, la réalité qui nous est présentée. Tout cela pour finir dans une confrontation emplie de cris, de larmes, de sang et de désespoir. Tout cela menant à une conclusion volontairement insatisfaisante pour tous sauf le héros.
L’œuvre se construit comme une tragédie dont l’antagoniste est le maître quasi divin, rien n’échappera à sa volonté de vengeance destructrice. Les personnages cherchant des réponses qui ne serviront à rien d’autres qu’à leur perte inexorable. Une souffrance qui se transmet par des visuels bruts malgré leur esthétique indéniable, et un retour à la bestialité du personnage qui ne semble avoir d’humain que la forme et la souffrance. L’acteur fait un travail fabuleux pour se transformer en presque animal alors qu’il reconnecte avec le monde extérieur, il n’est mu que par sa volonté de vengeance et par ses pulsions premières. L’animosité se retrouve aussi auditivement par les cris viscéraux des personnages alors qu’ils se font maltraiter et que chacun des coups retentissent comme un effondrement de plus sur des corps déjà ébréchés.
Face à cette œuvre notre compas moral sera mis à mal constamment, car le héros que nous suivons n’est pas une personne pouvant être qualifiée de bonne. Mais là où le génie immoral de Park Chan-Wook se retrouve est dans sa capacité à rendre cette personne, que nous ne voulons pas aimer, attachant, au fil de l’histoire en le suivant nous ne voulons rien plus de que de le voir dépasser les épreuves qui l’oppresse. Ainsi cet alcoolique envahissant devient notre repère dans ce monde sans dessus dessous où nous sommes piéger, comme lui. Et la moralité grise du personnage principale est vite remise en question face à l’antagoniste qui semble hors de toutes les notion éthiques, à la manière d’un être purement sensible qui n’a d’humain que l’apparence, sans la moindre conscience des notions de bien ou de mal, seul sa souffrance importe dans son monde détruit.
C’est donc bercer entre la douceur euphorique de la musique, la délicatesse de la voix du narrateur, ainsi que le dégoût des actes commis à l’écran que nous nous laissons emporter dans ce comte tragique mis en image avec une maitrise fabuleusement unique.