Adapter "les aventures d'Oliver Twist" (512 pages en Folio) au cinéma sans dénaturer le roman est un exercice périlleux que Roman Polanski m'a semblé avoir bien réussi. Exercice d'autant plus périlleux qu'il n'est que la douzième (environ …) interprétation que ce soit au cinéma, à la télé ou au théâtre.
D'abord, comme toujours les romans de Dickens foisonnent et de personnages et d'actions. Sous la férule de Ronald Harwood, le scénario a été épuré de certains personnages secondaires en faisant un focus sur les principaux personnages et sur les principales étapes du roman. L'inconvénient est que ça linéarise beaucoup l'action mais l'avantage est que l'histoire reste très lisible dans le film.
Là où je trouve que Roman Polanski s'est bien débrouillé, c'est qu'il n'a pas cédé à la tentation misérabiliste mais mis en scène des personnages (historiquement) réalistes. Il n'a pas non plus cédé à la tentation moderniste avec des personnages du type "racaille des banlieues" si vous voyez ce que je veux dire. Non, il a recréé un Londres du XIXème siècle avec ce qu'on peut raisonnablement en attendre de pauvres, de riches, de voleurs.
Un autre point que j'ai apprécié (que j'apprécie toujours dans une adaptation) c'est de retrouver les points clés que l'amateur du roman est en droit d'attendre. Par exemple, à l'usine de fabrication de filasse, Oliver est celui désigné par le sort pour réclamer du rab de gruau avec sa fameuse phrase "S'il vous plaît, Monsieur, j'en veux encore" déclenchant un séisme chez les patrons bedonnants pendant leur douloureuse digestion. Il en est de même de la visite qu'Oliver fait à Fagin en prison juste avant son exécution qui est une scène, dans le roman, très belle, très morale et très exorcisante (pas mieux comme adjectif). Pas la peine de faire la liste car je suis presque sûr que Polanski ou son scénariste ont scrupuleusement respecté ces moments forts qui sont les clés de voute du roman.
Le casting …
Je connais très peu d'acteurs mais je pense que Polanski a particulièrement soigné certains personnages.
Barney Clarke dans le rôle d'Oliver Twist campe un mignon garçon brutalement mêlé à de sales aventures est très bien et conserve son innocence et sa droiture comme dans le roman.
Ben Kingsley est le seul que je connaisse. Il est méconnaissable dans le rôle de Fagin, le méchant employeur de pick-pockets. Il traduit parfaitement toute l'ambiguïté du bonhomme du roman entre tendresse et cupidité. Deux substantifs difficilement conciliables et pourtant !
Jeremy Swift dans le rôle du Bedeau, Monsieur Bumble est extraordinaire de ressemblance avec le roman : gros, fat, imbu de lui-même, méchant con pour résumer. Il porte même l'énorme bicorne du roman. Comme dirait Françoise Rosay dans "le cave se rebiffe", "on m'avait fait un portrait parlé"
Edward Hardwicke campe un très acceptable Mr Bromlow
Et pour finir, Nancy qui est une voleuse qui prend en amitié Oliver Twist correspond plutôt bien à l'image qu'on s'en fait dans le roman.
En conclusion, cette adaptation de ce fameux roman qui m'avait passionné à l'adolescence et que j'ai relu, avec un même plaisir, il y a trois ou quatre ans, m'a bien plu par son ton plutôt réaliste et respectueux du roman.