L'énorme problème du Oliver Twist de Polanski, c'est qu'il subit nécessairement la comparaison avec les autres adaptations du roman de Dickens. Or, la comédie musicale, adaptée avec beaucoup d'ambition au cinéma par Carol Reed, a marqué durablement les esprits, et reproposer une nouvelle adaptation implique donc d'avoir quelque chose à dire. C'est là que le bât blesse.
Car le film de Polanski n'apporte pas grand chose. Pire, par beaucoup d'aspects, il ressemble à une version juste inférieure de la comédie musicale, car non content de ne reprendre que les éléments les plus connus du roman (qui sont eux aussi présents dans la comédie musicale), faisant l'impasse sur pas mal d'éléments secondaires (et certains moins, comme le parent vivant d'Oliver, rien que ça), le film semble tout le temps rusher son intrigue, sauter d'un épisode à l'autre : l'atelier du début est à peine esquissé qu'Oliver se retrouve propulsé au funérarium, qu'il quitte presque aussi vite pour arriver à Londres, et tout va à cette vitesse-là. Quitte à réduire l'intrigue, autant le faire franchement et donner du temps pour développer correctement, non ? Parce que là du coup on a un film qui fait trente minutes de moins que l'adaptation la plus connue et qui est néanmoins encore plus pauvre (car les chansons, forcément principal absent de ce film, servaient à caractériser l'univers et beaucoup de personnages, ce qui du coup n'est pas fait ici).
Que reste-t-il du coup ? Bah un film assez sinistre et très premier degré (ce qui n'est pas vraiment le ton de Dickens). Là où Dickens produit une oeuvre réaliste, un tableau de son époque, le film de Polanski se contente de baigner dans le pessimisme, oubliant commodément de montrer des prolos au boulot (alors que deux chansons sont consacrées à ça dans le film de Carol Reed), qui ne sont plus du coup dépeints que comme voleurs et cruels. Réminiscent d'oeuvres antérieures de Polanski, telles que Pirates et que le Bal des Vampires, des films d'époque sympathiques et versant dans la caricature joyeuse, Oliver Twist oublie cependant de témoigner de l'affection et de la fascination pour son sujet, hormis l'inénarrable Fagin, ici joué par un Ben Kingsley qui donne beaucoup sans pourtant parvenir à égaler l'interprétation de Ron Moody dans le film de Carol Reed.
Dès lors, difficile de ne pas voir le cambriolage de la maison de Mr Brownlow, où Bill Sykes ouvre cruellement le feu sur un Oliver désespéré, comme une clé de compréhension de l'histoire que raconte réellement Polanski. Celle d'une intrusion cruelle, violente, dans un domicile privé par une secte sanguinaire qui coûta la vie à Sharon Tate. D'autant plus qu'on sait depuis, notamment avec ses derniers films, que Polanski n'hésite pas à tracer dans ses films des parallèles entre sa vie privée et des oeuvres qui n'ont aucun rapport. Le hic c'est qu'Oliver Twist est une peinture d'époque, et que se contenter de montrer les personnages bourgeois comme des bienfaiteurs flegmatiques et les personnages prolétaires comme des voleurs sanguinaires sous la coupe d'un maniaque assoiffé de sang (qui n'est pas un double romanesque de Charles Manson, quelque parallèle qu'on tente de forcer à la truelle), bah ça donne un film à thèse (ce qui est déjà un genre plutôt faible en soi) maladroit, confus et presque haineux. Qui dénature une oeuvre pourtant puissante et fondatrice.
Une adaptation tristement médiocre et étrangement froide et haineuse.