Ombres et Brouillard est l’une des œuvres les plus étranges de Woody Allen, probablement un hommage très personnel à Franz Kafka, avec pour thème central l'aliénation et la persécution des individus. C'est aussi un hommage à ces vieux films d’horreur des studios Universal et à l'expressionisme allemand. La photographie en noir et blanc, inspirée des films expressionnistes allemands de FW Murnau et Fritz Lang, est d'ailleurs très convaincante. Tout ça, c’est très intéressant, parfois drôle et très souvent carrément étrange ... trop étrange ?
Ombres et Brouillard ressemble à Le Procès, roman de Kafka déjà adapté au cinéma par Orson Welles, dans lequel K est réveillé par la police. Et je préfère le dire tout de suite, préférez la version d'Orson Welles, si pas déjà vu, car c'est vraiment un grand film.
Dans Ombres et Brouillard, l’action se déroule ici dans une ville sans nom et à une époque inconnue. Néanmoins, la direction artistique du film nous indique clairement qu'il s'agit du début du 20ème siècle, quelque part en Allemagne ou à Londres ... même si c'est contredit par la présence billets en dollars américains. Fidèle à lui-même, Woody Allen joue un "pauvre type" nommé Kleinman (probablement en référence à Joseph K dans Le Procès) qui se fait réveiller en pleine nuit par un groupe d'individus s'invitant chez lui. Il se voit contraint de les suivre pour traquer un tueur en série "The Strangler", un pseudo Jack l’Éventreur qui rôde dans les rues. Il s’habille, sort de chez lui et s’aventure dans le brouillard de la ville éclairée par la lune. Incertain de savoir ce qu’on attend de lui, il atterrit chez le docteur / médecin légiste et c'est là que les ennuis commencent pour lui ...
Le casting qui entoure Woody Allen est ici très prestigieux, mais la plupart ont un rôle à la limite de l'anecdotique. Un cirque itinérant en ville se compose d’une avaleuse d’épée (Mia Farrow) et de son mari clown (John Malkovich) qui a une liaison avec une trapéziste (Madonna). Lorsque Mia Farrow les surprend tous les deux dans une caravane, elle s’enfuit seule dans la nuit et est recueillie par des prostituées (dont deux sont jouées par Kathy Bates et Jodie Foster).
Certaines des meilleures scènes du film se déroulent dans le bordel tenu par les prostituées, avec une discussion philosophique et un travail de caméra intéressants. C’est là qu’un jeune universitaire apparemment riche (John Cusack) propose 700 dollars à Mia Farow pour une seule nuit avec elle. Sa culpabilité d'avoir accepté la proposition de John Cusack, la ramène dans les rues de la ville, jusqu’à ce qu’elle rencontre Woody Allen, histoire de reformer (comme on pouvait s’y attendre) le couple Woody Allen - Mia Farow.
Mis à part peut-être John Cusak, tous les acteurs sont sous-utilisés. On s’attend à ce que Jodie Foster sourit face à la caméra et pas grand-chose d’autre ... et effectivement elle sourit. Quant Kathy Bates, elle est un peu mieux traitée, elle a le droit à deux lignes de dialogues ... et puis c'est tout ! Également invités dans de petits tout petit rôles, nous avons Donald Pleasence dans le rôle du docteur qui veut étudier l'essence même du mal (probablement une référence au Dr. Samuel Loomis dans Halloween) et le passage éclair (ne clignez pas des yeux ou vous allez les manquer) de Kurtwood Smith, John C. Reilly et William H. Macy.
Ombres et Brouillard est un film imparfait sur de nombreux points, mais assez fascinant, ça je dois le reconnaitre. L’atmosphère est étrange, sombre et brumeuse, avec un tueur en série effrayant. Dommage que la sauce ne prenne pas totalement, avec un ton parodique et un humour "allenien" qui se marie mal avec la direction artistique du film. On sent de l'ambition à l'origine du projet, mais le résultat est trop brouillon (à mes yeux).