Chaque film de Mankiewicz me confirme que ce dernier était l'un des meilleurs scénaristes et surtout dialoguistes de son temps. La mise en scène n'est pas en reste, où on sait tout de suite rien qu'en voyant la façon dont chacun est placé par rapport à l'autre les petits jeux de pouvoir qui sont en place. Ainsi on boit les paroles de Gary Grant comme du petit lait, qui apparait ici comme un docteur dont les origines, ainsi que son mystérieux ami qui le suit toujours partout, sont questionnés. Des rumeurs balancées par une ex-gouvernante mécontente et pète-sec, reprises par un autre docteur dont la jalousie pue à plein nez.


C'est sous l'angle de la comédie de moeurs que Mankiewicz conduit son film, mais les situations ne sont pas moins piquantes et piquées à vif, et les sujets soulevés, graves. Le tout forme un mélange habile de scènes à l'intelligence retentissante, mais non moins légères et cocasses, animé par un docteur qui se montre comme un étrange phénomène. Véritable moulin à paroles, il touche à divers problèmes existentiels relatifs à la médecine, excédant le cadre qui lui est imposé, et mène l'orchestre de l'Université comme personne, comme s'il se souciait que chacun y trouve sa place. Que tout le monde soit "bien" devient son crédo. Et lorsqu'il rencontre une femme qui veut attenter à ses jours après avoir entendu qu'elle était enceinte, dont il tombe sous le charme - ce qui va devenir l'un des fils conducteurs du film -, une fois de plus il va plus loin que ce dont on exige de son rôle, l'occasion pour Mankiewicz d'aborder sa question habituelle des rapports hommes/femmes, dont le mystère est abordé avec subtilité sans être élucidé totalement. Lorsqu'on en vient enfin aux révélations, on réalise à quel point Mankiewicz était un avant-gardiste, ici en humanisant le rapport médecin-patient d'une façon insolite (en mettant en avant une histoire d'amour entre les deux), ou en réhabilitant un homme pris dans les rouages d'une justice pas toujours clairvoyante. Avec le ton de la légèreté, Mankiewicz se révèle bien anticonformiste par rapport à une époque, qui était, elle, plutôt conservatrice.


Ainsi, cette charmante satire sociale est une nouvelle réussite de Mankiewicz, à voir absolument pour tous les grands fans de dialogues bien écrits et de bons jeux d'acteurs, avec un traitement pour le moins moderne et original sur la médecine (qui ne se réduit donc pas à des questions purement techniques ou anatomiques). Un film stimulant et enthousiasmant à regarder, comme nous le rappelle son dénouement musical et optimiste qui nous met tous sur la même longueur d'ondes.

Arnaud_Mercadie
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 17 mars 2018

Critique lue 329 fois

5 j'aime

Dun

Écrit par

Critique lue 329 fois

5

D'autres avis sur On murmure dans la ville

On murmure dans la ville
Kalian
9

Ris, ô Currie.

Où l'on suivra les aventures d'un docteur aux méthodes originales (il cherche plus à soigner le patient que la maladie proprement dite, quitte à user de techniques aussi saugrenues que la psychologie...

le 16 juin 2011

38 j'aime

11

On murmure dans la ville
Gizmo
8

Docteur Maboul

Un film étrange et complexe. Des moments vraiment réussis, de bons acteurs, des scènes visuellement loufoques, un chapeau en faisan, un chien nommé Beelzebub, de la crème et du lait, des atomes, des...

le 9 avr. 2011

37 j'aime

8

On murmure dans la ville
poulet
10

Petite gynécologie de l'esprit

Même si Mankiewicz a d'innombrables synapses à connecter, il n'installera personne sur le billard. Sans l'ombre d'un scalpel, les pelotes de neurones emmêles deviendront d'autres pelotes emmêlées,...

le 25 févr. 2014

15 j'aime

5

Du même critique

Le Sabre
Arnaud_Mercadie
9

De la perfection de l'art samouraï

Là où Tuer se distinguait par son esthétique élégante et toute en retenue, conforme à une certaine imagerie traditionnelle du Japon médiéval, Le sabre frappe par sa simplicité et son épure formelle...

Par

le 27 avr. 2017

10 j'aime

Qui sera le boss à Hiroshima ?
Arnaud_Mercadie
8

Critique de Qui sera le boss à Hiroshima ? par Dun

C'est avec ce second épisode que je prends enfin la mesure de cette ambitieuse saga feuilletonesque sur les yakuza, qui mériterait plusieurs visions pour l'apprécier totalement. Alors que j'étais en...

Par

le 15 avr. 2017

8 j'aime

Mind Game
Arnaud_Mercadie
8

Critique de Mind Game par Dun

J'avoue avoir repoussé la séance à cause de l'aspect expérimental de cet animé de peur de me retrouver dans du sous Lynch un peu trop obscur (non que je déteste l'idée, mais ça peut rapidement tomber...

Par

le 5 mars 2019

8 j'aime