Sofia Coppola n'en démord pas : la routine, l'ennui et la solitude restent le thème favori de la partition qu'elle aime jouer. Encore, la meilleure chose à faire reste de casser la routine. Un soir, Laura (Rashida Jones) est réveillée par son mari qui vient de rentrer. D'abord guilleret, il cesse de sourire lorsqu'il aperçoit sa femme, puis s'endort. Simple. Anodin. Pourtant, prise d'un doute infime, Laura en parle à son père Félix (Bill Murray). Ce dernier ne mâche pas ses mots : il y a définitivement quelque chose qui ne tourne pas rond. C'est alors qu'il rentre soudainement de France pour emmener sa fille dans les rues sinueuses de New York, jouant les détectives dans une vieille voiture de sport pétaradant et calant à tout bout de champ.
Sofia Coppola l'a bien compris, le jeu reste le meilleur moyen d'éviter l'ennui. Même si tout oppose le père et la fille (l'un, playboy milliardaire, ne semble se soucier que de lui et aime jouer le personnage familier mais coquet ; l'autre est plus terre à terre, plus soucieuse mais également plus clairvoyante que son père), un lien indissociable semble les unir le temps d'une "partie". Les excursions newyorkaises s'apparentent alors à une échappée, une bouffée d'air musical et visuel dont certains plans ne sont pas sans rappeler les meilleurs moments de Lost in Translation. En revanche, le rêve n'a plus la part belle. Il s'agit de remettre les pieds sur terre et c'est ce qui, en définitive, donne un sentiment de désillusion que le père refuse de voir. Notons d'ailleurs que le titre du film fait allusion à cette locution anglaise qui désigne en général ce qui est sur le point de s'effondrer.
Alors peut-être faut-il y voir une histoire de maturité, une histoire d'émancipation ou plus simplement un écart de génération qui survit mal. Il serait peut-être même (trop) tentant de retrouver, peut-être à tort, la relation que la réalisatrice entretient avec son propre père : deux façons de faire des films à deux époques différentes, le goût du drame familial et de l'épopée criminelle du Parrain remplacé par la simplicité ludique d'une escapade dans les rues d'une ville. Mais cette lecture personnelle n'enlève pas le caractère touchant des personnages qui, en jouant, apprennent à se connaître un peu plus.
En bref, un merveilleux moment de complicité et de désunion donné par une réalisatrice plus que jamais humaniste.