50 ans après Z, Costa-Gavras signe un nouveau film sur la Grèce, et ça ne va pas mieux. Nous sommes en 2015, et le pays croule sous le fardeau de la dette. C'est alors que la gauche remporte l'élection, signe de nouveaux espoirs, bien minces face à une Europe tenace et exigeante. Yanis Varoufakis nouvellement ministre de l'économie voyage aux quatre coins du continent pour négocier le paiement d'une dette insolvable, mais il fait très vite face à un ultimatum qui aura finalement raison de lui : accepter les mesures d'austérité imposées par la Troïka (BCI, CE, FMI), et l'effondrement économique qui va avec, ou sortir de l'euro ? L'idée est le compromis, la "restructuration de la dette" qu'il propose avec de nombreuses réformes sociales (et coûteuses...) mais l'idée ne plaît guère.

Costa-Gavras le dit lui-même, et le thème s'y prête bien, il veut filmer la tragédie grecque de ce début du XXI siècle. Deux hommes font tout pour sortir leur pays du bourbier de la crise qui a frappé le monde entier, mais la réalité est noire et le cynisme des acteurs auxquels ils se confrontent finit par avoir raison de leur volonté. Tout est écrit d'avance et on connaît l'histoire. C'est en cela que le film constitue un pari audacieux, car raconter les enjeux économiques et financiers de la situation ne suffit pas. Il faut savoir dramatiser, rendre le film tragique au sens où on ne va voir ni un documentaire ni un film ésotérique réservé aux initiés de la sphère économique. Il s'agit de faire vivre la tragédie, filmer chaque désillusion, chaque trahison auxquelles s'ajoutent la tension qui se dissimule mal derrière le visage des protagonistes.

Mais chose étrange, à côté de cette volonté de filmer la tragédie réside une seconde intention, peu surprenante venant de la part de ce réalisateur. Avec le cynisme vient l'ironie, et celle-ci s'annonce dès le titre. "Nous avons besoin d'adultes dans la salle" déclare Christine Lagarde. Le ton léger de la composition d'Alexandre Desplat, l'enthousiasme effrénée des politiciens grecs regardant leur score, la démarche burlesque du président de la Commission européenne (il va jusqu'à serrer la joue du Premier ministre grecque comme on le ferait pour un enfant, scène inspirée de faits réels !) : et si notre tragédie se transformait en comédie ? Après tout, le message est clair : il n'y a pas d'adultes dans cette "conversation entre adultes", sinon au moins deux... Les personnages, bien réels et dont on ne prononce que le prénom, n'entendent que peu de choses à l'économie, mais ils savent quitter la pièce pour marquer le coup d'un désaccord, élever la voix pour avoir raison. Mention spéciale pour la scène d'un diner où un envoyé d'Allemagne dévore avec un appétit vorace les plats préparés que lui servent Yanis et sa compagne, presque effrayant dans la symbolique.

Alors on rit de voir ces acteurs incarnant des personnages bien réels (autre mention spéciale pour le passage à Bercy...), il s'agit bien de pantins, de marionnettes ou de "marionnettistes", la question se pose. Mais que penser de la tragédie sous-jacente, bien réelle et qui a causé le malheur de tout un continent, pour ne pas parler que d'un seul pays ? Pas si drôle quand on y pense.

jeremstym
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le 6 nov. 2019

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