À Hollywood dans les années 60, on rencontre des hippies à chaque coin de rue, on enchaine les paquets de cigarettes dans les restaurants, on s'attarde devant les devantures délirantes des cinémas, on roule des heures sous les néons, le long des boulevards jonchés de mégots ou d'étoiles.
Pendant ce temps-là Rick Dalton tente de sauver sa carrière de la noyade, tandis que les genres et films qui ont fait ses heures de gloire tombent en désuétude. Son cascadeur, doublure inséparable, homme à tout faire et ami de confiance l'aide à supporter le coup, ou plutôt à "assurer le coup". Mais de quoi parle donc ce film ? C'est arrivé, ce n'est pas arrivé. C'est une fiction qui se désigne elle-même, mais qui n'existe pas. Tout le film se compose de deux histoires parallèles, ou peut-être plus. Une histoire issue de la fiction, et l'autre, celle que l'on reconnaît tristement, celle de Sharon Tate qui, elle, a vraiment existé dans cet Hollywood de la fin des années 60. Mais rien ne semble relier les deux d'emblée. Le film entreprend des virages entre ces deux timelines, ces deux univers que tout oppose. Il est ponctué d'une inconséquence presque insolente qui fait que chaque acte, chaque réplique étonne de ce qu'elle ne fait pas avancer l'histoire, mais l'étoffe. Lorsque le déroulement linéaire de la narration est abandonné (ou plutôt mis entre parenthèses) c'est pour déployer un enchevêtrement de scènes dans lesquelles les personnages parcourent, visitent et rencontrent. En somme, on a un malin plaisir à voir toutes les références que dissimule le film, voir Bruce Lee se prendre une raclée, ou voir les classiques du cinéma hollywoodien incrustés (ou pas d'ailleurs...) par nos personnages. Mais ça se passe ailleurs, c'est un rêve, c'est un film. Le seul moment où un personnage, Sharon Tate parfaitement incarnée par Margot Robbie, se voit effectivement à l'écran, on n'y voit personne d'autre que... la vraie Sharon Tate.
Il y a de l'audace, lorsque l'on s'appelle Quentin Tarantino, à mettre dialogues verbeux et violences exacerbée au placard (enfin presque...). Ici, place aux longs trajets, accompagnés, sinon saturés, de musique issue d'une BO encore une fois inoubliable. Place aux personnages qui existent non pas par leur répliques cinglantes mais par des regards, des sourires et des larmes. Tarantino désarticule à merveille l'action de son film pour écrire entre les lignes une lettre d'amour au cinéma qui l'a créé, au cinéma qu'il a créé. Il était une fois... à Hollywood : trois points de suspension laissés dans le titre, là où les autres films ayant un titre semblable ne l'ont pas fait. Une suspension d'abord du temps, puis de la réalité, ou de la fiction, ou plutôt des deux. Alors que l'on connaît historiquement cet Hollywood des années 60, ce film nous dit : pendant ce temps-là. Peut-être ce film continuera de diviser, mais il faut admettre que Tarantino surprend avec ce film déconcertant par sa lenteur, par son aboutissement, et par sa tendresse qui se dégage des personnages que, sans aucun doute, il aurait aimé voir exister.