Il avait six ans et quelques. Il rêvait à ses séries mettant en vedette des cowboys increvables et incorruptibles. Puis un matin, il allumait sa télévision et comprenait que dehors, les années 60 se terminaient et pas de leur belle fin.
Ce petit garçon, c'est Quentin Tarantino et comme beaucoup, il ne s'en est pas remis. La différence avec la plupart, c'est que lui a décidé de laisser les rêveries continuer à tapisser son imagination.
50 ans plus tard, il a l'occasion de revenir sur l'évènement fondateur qui a bousillé les rêves de la génération hippie et remis toute l'Amérique sur Terre.
C'est aussi le moment où l'age d'or jette ses derniers feux avant que le nouvel Hollywood propulse l'industrie cinématographique vers une nouvelle ère.
Rétrospectivement, c'est d'ailleurs curieux qu'il ait fallu attendre son neuvième film pour voir le réalisateur culte aborder frontalement Hollywood et l'envers du décor. En interview, le cinéaste confie que l'écriture de nouvel opus fut longue (5 ans) et difficile. Logique, tous ses films sont personnels mais celui-là est peut-être le plus autobiographique de son auteur.
C'est également celui où Tarantino choisit délibérément de se mettre le plus en retrait. Peu de monologues, les références sont disséminées un peu partout mais plus discrètement. Et la tendresse est bien plus de mise. Plus contemplatif, Once Upon a Time in...Hollywood égrène les minutes avec un rythme laid back qui lui sied si bien. Les tournages, les pauses dans les caravanes, les dialogues entre les comédiens, les interactions entre les cascadeurs,... Mais aussi cette vague d'espoir et d'amour en toile de fond, les virées dans L.A,...Et bien sûr cette menace invisible qui n'a pas encore emporté l'actrice Sharon Tate et ses amis lors d'une soirée ayant viré au carnage.
Il y a bien un fil rouge à ces 161 minutes, il est juste moins apparent et paradoxalement visible à chaque moment.
C'est d'abord l'hommage d'un petit garçon à ses héros. À ceux qui contribuent à fabriquer un personnage et un univers. À ces acteurs sans dessus dessous, dépressifs, délaissés, alcoolisés. À tous ces protagonistes qui peuplent l'imaginaire et ne reçoivent pas forcément l'attention qu'ils mériteraient. Car Hollywood est autant le lieu de naissance des stars que celui de ces d'outsiders placardés sans préavis.
Par le prisme de son personnage principal, Rick Dalton, Tarantino offre une figure tragi-comique du comédien au bout du rouleau, coincé dans un âge qui se termine et désarçonné par ce qui viendra après. Après une petite pause de 3 ans, Leonardo DiCaprio s'offre un retour de premier ordre. La démarche chancelante, l'élocution balbutiante, l'haleine encore bien chargée du whisky de la veille, le Rick Dalton de DiCaprio est une des plus belles figures cabossées de Tarantino.
Mais celle qui vole le show, c'est bien la trogne de Brad Pitt. Je ne l'avais pas vu aussi classe, aussi cool depuis belle lurette. La rouleau compresseur de charisme écrase littéralement tout sur son passage. La chevelure au vent, le regard toujours espiègle, et la force tranquille...S'il y a un pur héros de cinéma dans Once Upon a Time in...Hollywood, c'est bien lui.
C'est ce qui rend son duo avec DiCaprio encore plus savoureux : l'un est un héros de fiction, l'autre à tout du héros plus vrai que vrai. Et c'est dans sa toute dernière partie que Tarantino retourne la table.
Alors que le film s'amusait à déconstruire avec émotion les mécanismes de la légende, il décide de renouveler sa profession de foi dans le cinéma comme pur lieu d'accomplissement. Ces héros (les siens), on en a besoin. Le monde en a besoin. L'Histoire en a besoin. Ils ne pourront pas réparer ou changer ce qui a été. Mais s'ils peuvent ouvrir cette porte permettant à la fiction d'emporter le réel vers de plus beaux lendemains, ce sera déjà ça.
Juste comme ça, histoire de regarder en arrière et se dire que le ride en valait la peine. Et de remercier tout ceux qui ont taillé la route avec nous. Une rêverie. Celle d'un enfant qui voulait plier la réalité à ses désirs. Cinquante ans plus tard, force est de constater qu'il a réussi. Et c'est un vrai plaisir de l'accompagner.