Kristin Scott Thomas est fabuleuse en mère castratrice, Ryan Gosling, hiératique en fils impuissant, Vithaya Pansringarm, glacial en diable vengeur, tandis que Nicolas Winding Refn impressionne en démiurge destructeur. Telle est l'équation d'un film évident, sorte d'aboutissement formel de la démarche artistique du cinéaste danois.

Réussissant là où Drive, embourbé dans une romance improbable, et court-circuité par son indécision formelle, finissait dans le mur, Only god forgives avance sans faillir. Le récit est simple, basique, deux lignes de synopsis : une tragédie. Le nœud central est œdipien, des histoires de frustrations, de haines, de vengeances, le tout réduit à ses plus simples expressions, quelques mots, quelques phrases, des affrontements symboliques. On parle peu, on se voit à peine. Le rythme est lent, la violence extrême mais stylisée, finalement absente, nichée dans les coupes, les hors champs, les ellipses.

Le film peut se lire comme une succession d'images arrêtées. Quand elle ne marche pas, Kristin Scott Thomas est immobile, figée dans des pauses improbables, grandiose et vulgaire, image de papier glacé découpée et plaquée sur des intérieurs kitchs. On est chez Pierre & Gilles, chez David LaChapelle. Ryan Gosling est toujours posté dans un coin, en retrait, un peu plié, jamais droit, bad guy de pacotille, chien perdu, fantôme fantoche d'un James Dean délavé. Vithaya Pansringarm est lui toujours en mouvement, ne s'arrêtant que pour tuer, le Mal pour le Bien, le vengeur sanguinaire. Les personnages ne sont que les figures archétypales d'un récit entendu, codifié, qui n'est que le prétexte et la matière de l'exploration graphique d'un cinéaste tendant à l'abstraction. Et c'est là la réussite de Only god forgives : la puissance de l'abstraction, la victoire du sensitif sur le récit classique, la forme devenant le fond.

La mise en scène est anguleuse, nette, sans bavure. La cadre, la profondeur de champ, la lumière des rues de Bangkok et de ses intérieurs, l'incroyable traitement du son, la magnifique BO de Cliff Martinez, tout s'harmonise dans cet unique mouvement, cette ligne claire, singulière et radicale, hypnotique et mystérieuse, qui va séduire autant que révulser. Avec Only god forgives, Nicolas Winding Refn maîtrise enfin son langage, bannit le verbe au profit du trait, réapprend à écrire et nous réapprend à voir.

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le 26 mai 2013

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pierreAfeu

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