Il y a quelque chose de pourri au royaume de Bangkok...
ATTENTION : Film revu depuis et fortement apprécié, donc critique obsolète. Mais qui témoigne d'un récent été d'esprit.
Julian, qui a fui la justice américaine, dirige un club de boxe thaï vec son frère Billy à Bangkok. Quand ce dernier massacre une prostituée et qu'il est à son tour tué par un curieux policier, la mère des deux frères se rend sur place pour ordonner réparation à son fils cadet...
Le suspense n'a pas lieu de durer. Le nouveau film de Nicolas Winding Refn, son fameux western thaïlandais, est sans doute son moins bon travail. Pourtant, jamais "Only God Forgives" ne paraît vraiment raté. On sent la maîtrise du cinéaste dans sa composition des cadres. Sa palette de couleurs, ses plans fixes. Tout est aussi beau que dans "Drive". Mais sur la même durée, 1h30, "Only God Forgives" ne tient jamais la route. C'est qu'ici, tous les gimmicks de mise en scène et d'interprétation des 20 premières minutes, à savoir la lenteur des plans, le découpage du montage, les postures des acteurs, sont repris à chaque travelling, chaque séquence. Refn rend, volontairement sans doute, chaque scène interminable. Saupoudre tout le film de son style, magnifique car rendant chaque cadre harmonieux, qui cette fois, ne sert plus le récit. La caméra longe les couloirs et les décors avec une symétrie qui, en l'espace de 1h30 donc, devient un tic qui semble obséder le cinéaste.
Un tic qui finit à la longue par agacer. La virtuosité visuelle de Refn qui accompagnait avec maestria le récit de "Drive" ne se dévoile dans "Only God Forgives" que le temps de deux scènes uniquement, à savoir une superbe scène de combat à mains nues et une confidence émouvante entre la mère et son fils. Mais l'histoire, sorte de tragédie grecque du côté oriental du globe, ne justifie pas une mise en scène si stricte. Car si le cinéaste fait preuve de rigueur dans son art de l'image, toute la dimension des personnages est balayée. Expédiée, envolée. Pendant toute la vision de l'oeuvre, on pense, on éspère même que le film va se rattraper, offrir de vrais protagonistes, se réveiller de la paresse de ses interprètes. Mais "Only God Forgives", à l'image de sa beauté formelle, reste constant dans son intention de ne raconter une histoire que par le biais de morts vivants se baladant le long des rues ou des couloirs d'un établissement sombre et glauque, où l'on est jamais vraiment sûr de savoir où l'on est tant la gestion des repaires semble foireuse.
"Only God Forgives" est une étonnante déception. Un beau film vain. Une séduisante oeuvre creuse. Une splendide expérience vide. Nicolas Winding Refn atteint ici une apogée stylistique, un aboutissement esthétique, maîtrisé jusqu'à l'os. Impressionnant tant il semble en dehors de tout. Il livre un film sans demi mesure. Unique. Presque autiste. À prendre ou à laisser.
Aussi chiant que fascinant. Tout simplement.