Only God Forgives ne faisait pas vraiment partie des films que j’attendais le plus cette année. Mais Nicolas Winding Refn reste un réalisateur suffisamment talentueux et intéressant pour donner envie de se pencher sur son dernier né. Bronson m’avait particulièrement plu. Les premières images d’Only God Forgives auguraient d’un film violent et sulfureux. Les réactions cannoises, mâtinées d’applaudissements et de huées, laissaient entendre que ce film ne provoquait pas l’indifférence. Autant de raisons qui m’ont poussé à aller visiter Bangkok à travers la caméra du célèbre danois.
D’entrée, je salue le fait de proposer un cinéma très différent de ce qu’on a l’habitude de voir. Le synopsis s’apparente pourtant à une simple série B : un américain est tué en Thaïlande. Son frère s’en cogne alors que leur mère veut le venger. Un flic local fait régner la justice dans les rues à coups de sabre. Tout ce beau monde va se croiser.
Mais il s’agit en réalité d’un film contemplatif qui ne répond à aucune norme classique. En même temps, difficile de s’attendre à un traitement traditionnel de l’intrigue lorsque l’on se penche sur la filmographie de Nicolas Winding Refn, qui sort bien souvent des schémas habituels. Je pense notamment à Bronson, film sur l’univers carcéral dont le personnage principal ne cherche pas à s’évader mais bien à rester en prison. Ou bien à Drive qui aurait pu s’apparenter à un ersatz de film de bagnoles nerveux type Fast and Furious mais qui s’avère être un film d’ambiance parsemé de quelques intenses coups d’éclats (cf. la scène de l’ascenseur).
En dépit des directions prises parfois surprenantes par le réalisateur, s’il y a un aspect que l’on est certain de retrouver dans ses films, c’est bien l’esthétisme très travaillé. Et Only God Forgives ne déroge pas à la règle. La photographie est très aboutie et léchée. J’ai été en réelle admiration devant plus d’un plan et le côté figé des personnages m’a permis de bien m’imprégner la rétine du fabuleux travail accompli. Le directeur de la photographie, Larry Smith, a notamment œuvré sur le « kubrickien » Bronson et sur…Eyes Wide Shut ! Au-delà de l’admiration de Nicolas Winding Refn pour Stanley Kubrick, pas étonnant alors que les couloirs rouges d’Only God Forgives rappellent ceux de l’hôtel Overlook de Shining.
J’ai noté également un beau travail sur l’ambiance sonore, souvent lourde et pesante. La bande-son est un aspect essentiel du film qui accompagne les personnages, parfois même plus que leurs (rares) dialogues.
Mais ce plaisir des yeux, et dans une moindre mesure des oreilles, a été gâché par une histoire qui s’étire bien trop à mon goût (malgré sa courte durée, le film ne file pas d’une traite). À cet aspect raté s’ajoutent des réactions incompréhensibles des personnages. Entre autres :
SPOILERS
-Billy qui viole et exécute une fille de 16 ans et préfère attendre sans raison à côté de son cadavre plutôt que de se barrer. Puis attendre longtemps hein, genre jusqu’à ce que la police locale le découvre. Pour finalement se laisser gentiment écraser la tête Irréversible’s style sans broncher.
-Julian (Ryan Gosling) qui demande à la prostituée avec qui il ne parle ni ne baise de l’accompagner à un dîner avec sa mère et qui s’avère être un monologue de cette dernière. Il attend Chang (Vithaya Pansringarm) chez lui avec un flingue pour l’exécuter puis finalement, il accepte d’aller au fin fond d’un bois pour se faire trancher les deux bras.
-La mère de Julian (Kristine Scott Thomas) qui est à la tête d’une organisation criminelle, qui vient seule alors qu’elle doit avoir quelques sbires qui auraient pu s’occuper de venger son fils. Mais elle préfère faire appel à des branleurs locaux qui ne sont pas foutus de buter un mec à bout portant en vidant leur uzi et se font dessouder à coups de poêles à frire. Elle baigne dans cet univers criminel et pourtant, elle ne porte aucun flingue sur elle (ça aurait pu servir pendant le combat entre son fils et Chang…). Puis elle refuse de prendre son avion parce qu’elle préfère se laisser sagement exécuter dans sa chambre d’hôtel.
De plus, trop de scènes sont barrées, inutiles ou grossières (Chang qui chante une chanson d’amour cul-cul pendant 3 minutes. Deux fois. Les scènes de déambulation dans les couloirs sont-elles oniriques/réelles ?! Le combat de fin réunit la mère, la prostituée, le bad guy et Julian dans un même lieu au même moment et sans raison, etc.)
Pour le combat de fin d’ailleurs, décrié par certaines personnes, je crois qu’il est volontairement mou et ridicule car Gosling le dit lui-même, le film parle de l’impuissance masculine. Et ses coups qui ne touchent jamais son adversaire ainsi que la branlée générale qu’il se prend illustrent plutôt bien cette totale impuissance.
FIN DE SPOILERS
Un mot sur les trois acteurs principaux qui évolue dans ce Bangkok infernal : Ryan Gosling rempile dans le registre mutique de Drive mais en le poussant encore plus loin. Contrairement au cascadeur du film précédent, il n’a aucune rage contenu qu’il laisse exploser mais demeure apathique 99% du film (le pourcentage restant se traduisant en un « TAKE OFF YOUR DRESS !!! »). Je ne suis pas tellement adepte de ce genre de rôle, son comportement annihile la moindre empathie à son égard.
Le bad guy, joué par Vithaya Pansringarm, est bien effrayant. Son charme quasi-magnétique et ses talents de tortionnaires font plier toutes ses victimes. Ses déplacements lents, mesurés et assurés ainsi que son sabre qu’il sort de son dos font de lui un être surnaturel. Les deux (longues) scènes de chant d’amour mièvre ridiculisent toutefois le personnage et désacralise son aura.
Kristine Scott Thomas joue une mère castratrice se pâmant dans des tenues outrancières en débitant quelques phrases chocs et insalubres. Un rôle peu habituel pour l’actrice et qui contraste fortement avec l’attitude posée et discrète du reste du casting.
Dans Only God Forgives, j’ai trouvé qu’il y avait plus à ressentir plus qu’à comprendre. Peut être ai-je trop essayé de vainement rationaliser telle scène ou telle réaction et que ce n’est pas le propre du film. Ou alors qu’il me manque quelques références pour pleinement l’apprécier. Mais globalement, je me suis fait chier.