Refn semble atteindre les limites de son cinéma contemplatif et stylisé à l’extrême...
Par où commencer… j’ai attendu de pied ferme Only God Forgives dès le stade du simple projet, et l’attente ne fit que croître au fil de teaser et autres BA pour le moins salivantes ; l’idée d’observer à nouveau le duo Refn/Gosling dans un Drive-like (mais bien entendu différent) était donc foutrement emballante, et rien n’aurait su altérer mon espoir de me prendre une nouvelle claque.
Néanmoins, un détail m’aura tout ce temps partiellement échappé, à savoir l’annonce d’un film ayant des similitudes avec une autre réalisation du cinéaste danois, j’ai nommé l’atypique (par excellence) Valhalla Rising.
Et force est de constater qu’en réalité Only God Forgives tient plus de cet ovni cinématographique que de Drive, dont il conserve avant tout la face taciturne de Ryan Gosling (et assurément la violence, qui est une récurrence savamment utilisée chez Refn).
Et je dois ainsi reconnaitre que si je n’avais pas pris pleinement conscience de cette éventualité, le visionnage d’Only God Forgives n’en aurait été alors que plus décevant ; il semblerait donc juste de parler d’une semi-déception, mais qui n’est au final pas si surprenant, d’autant que le fait d’avoir déjà vu Valhalla Rising l’atténue en partie.
On peut donc débuter par les ressemblances frappantes entre les deux œuvres, Only God Forgives du haut de ses 1h30 de durée en paraissant le double, tant le rythme est cruellement lent ; on retrouve donc ici le parti pris du cinéaste pour de longs plans délestés de tout dialogue (en grande majorité tout du moins), ce qui ne manque pas d’alourdir la chose.
Et, en toute logique, ceci a pour conséquence de saborder (si l’on puis dire) une intrigue (certes légère) mais tout de même emballante de base, mais qui de par cette carence en répliques donne à l’ensemble un air de vide ambiant ; par extension, les personnages sont également sous-exploités, ce qui est franchement dommage vu le charisme extraordinaire dégagé par le duo Gosling (parfait en anti-héros sombre et d’apparence complexe) / Pansringarm (figure surprise de ce long-métrage, tant son rôle d’ange de la justice est percutant).
Dans un même ordre d’idée, la présence à l’écran de Kristin Scott Thomas rappel la force d’interprétation d’un casting somme tout excellent, cette dernière campant une Crystal incontournable bien que détestable, alors qu’elle bénéficie d’un lot (conséquent si l’on relativise) de répliques plutôt chocs dans le genre…
Rien à redire de ce côté-ci donc, si ce n’est un manque évident d’approfondissement allant de pair avec celui du scénario (qui fait malgré tout mieux que celui de Valhalla Rising).
Autrement, au niveau de points positifs, même constat qu’avec le susnommé, à savoir une mise en scène tout bonnement terrible, empreinte immanquable d’un Winding Refn n’ayant plus rien à prouver en la matière ; et pour compléter cette fresque certes proche de l’inertie mais somptueuse, on note une photographie et un jeu de lumières sans aucune comparaison, qui couplés à une BO tantôt pesante, tantôt sublime, confère à Only God Forgives une ambiance sans pareil.
Il en résulte donc une tension palpable, qui agrémente avec un certain brio ce long-métrage, qui trouve en partie là un regain de vie bienvenue.
Enfin au rang des satisfactions, figurent quelques (rares) scènes où la violence propre à Refn entre en scène : intransigeante, froide et implacable (cf. la scène de torture), celle-ci accompagne ainsi un rythme faisant mine de s’emballer avec soudaineté, fort contraste saisissant en résumé tant celui d’ensemble se veut lent au possible ; et dans un même sens, l’affrontement entre Julian et Chang est une sorte d’apothéose, la réalisation sans concession de Refn le rendant pour le moins dantesque.
Bref, Only God Forgives rejoint Valhalla Rising au rang des ovnis du cinéaste (on pourrait aussi citer Bronson), tant l’univers développé par celui-ci se veut atypique, hypnotique (ou ennuyeux à mourir pour certains).
Il est toutefois regrettable d’observer une intrigue sympathique réduite à bien peu de choses, Refn la délaissant au profit d’une ambiance déroutante ; aussi bien que les interprétations et la classe de l’ensemble sauve malgré tout les meubles, il faut bien reconnaître qu’Only God Forgives aurait pu être bien plus que cela.
Alors, même si celui-ci se veut plus abouti que Valhalla Rising, il semblerait que Refn ait atteint les limites du genre (pour ma part) ; le pari était une nouvelle fois osé, mais je ne rempilerai pas.
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