Attention, ce qui va suivre contient de nombreux spoils !
Je n'ai toujours pas vu Drive, malgré toutes les éloges que j'ai pu entendre dessus ; avec Only God Forgives en tous cas, on a ici l'occasion de se retrouver dans les plus profondes entrailles du mental -très légèrement malade- du réalisateur Nicolas Winding Refn.
J'ai aimé le film, et à travers une multitude de détails que je vais essayer de lister, avant de passer au gros point négatif, pour moi, du film.
Tout d'abord, la gestion des lumières et de la couleur m'a beaucoup plu. Évidemment, c'est horriblement cliché, notamment la présence quasi permanente du rouge, qui annonce le sang à profusion -ce qui ne manquera pas. Mais on a également un jeu sur d'autres couleurs, comme le bleu qui plonge le spectateur dans une attente angoissante. Si le pari du film était de nous rendre asphyxiés par l'angoisse, c'est un pari réussi. Le jeu des couleurs sur les différents tableaux servent aussi à faire ressortir la personnalité torturée de Julian Hopkins, incarné par Ryan Gosling, et encore une fois c'est réussi.
Deuxième chose qui m'a à la fois étonnée et plu : Kristin Scott Thomas, qui joue le rôle de Crystal, la mère de Julian et Billy. J'ai toujours vu cette actrice dans des rôles de femme classe, sobre, et on se retrouve ici avec une femme vulgaire, sur-maquillée, aux décolletés plongeants et regards enflammés. Elle nous livre ici une étonnante et très agréable prestation d’une mère perverse, écartelée entre sa folie et ses tentatives d’aimer ses fils.
C'est également la sensualité de certains plans qui m'a, là, carrément subjuguée : les scènes étranges où Gosling fantasme, ou pas, celles où on voit ses beaux bras musclés s'étendre dans le vide, ou encore la robe de la belle Mai, ces détails étaient magnifiques.
Mai, justement, incarnée par la splendide Ratha Pohngam m’a époustouflée par sa beauté, sa grâce et sa délicatesse qui tranche avec l’horreur qui gravite autour d’elle.
Certains pourraient s'étonner de l'absence du scénario sur la majorité du film, et pourtant je crois qu'il y a beaucoup plus qu'il n'y paraît au premier abord ; je pourrais parler de la relation étrange et incestueuse qu'entretiennent Julian et Billy avec leur mère, et surtout, on décèle très rapidement que cette relation a détruit les deux fils dans un sens différent : Billy, le fils favori, au caractère explosif, s'est transformé en psychopathe violent et sanguinaire, qui tue et viole pour le plaisir (mais le plaisir de qui ? Le sien ou celui de sa mère ?), et Julian, au caractère de base, on le devine, plutôt doux et conciliant, qui développera une sorte de schizophrénie paranoïaque, fantasmant continuellement des horreurs, mais qui, on le verra par la suite, peut être horriblement violent au point de commettre l'irréparable (enfin, ce que veut nous faire croire sa mère comme irréparable, alors qu'en réalité il n'a fait que lui obéir pour capter son attention). La perversité du personnage de la mère suinte de partout dans le film, et montre à quel point on peut être profondément détruit par sa propre mère.
Le seul personnage m’ayant dérangé est Chang, le policier, dont le statut de bourreau/justicier peu clair m’a laissée sur ma faim.
Je ne suis que très peu étonnée des critiques négatives et de la note générale très moyenne du film, car c’est un film qui peut dégoûter, ennuyer, laisser de marbre ou bien bouleverser dans le mauvais sens du terme ; j’ai été moi-même profondément choquée par la violence qui se veut traumatisante (la scène dans le club de Byron, la plaie béante dans la gorge de Crystal, les mains tranchées, le corps ouvert révélant les côtes ensanglantées du bandit…), on a cette impression de violence inutile; et on s’ennuie parfois, devant des plans qui semblent ne servir à rien, qui s’étendent sur de longues minutes… et pourtant il faudrait peut-être aller au delà de la violence, de la lenteur, de l’absence de dialogue pour essayer de comprendre ce qu’a voulu montrer le réalisateur. C’est ici le point négatif dont je parlais plus haut : l’incapacité du film à réellement toucher et capter l’attention du public comme il aurait pu le faire. Mais c’est surtout cette pratique avec laquelle j’ai du mal selon laquelle le fond devrait servir la forme ; le scénario, les dialogues passent à l’attrape au profit d’une esthétique certes superbe, mais qui fait perdre au film la profondeur et la subtilité qu’il aurait pu avoir.
Only God Forgives aurait pu être un chef-d’œuvre, mais il se cantonne au film bien mais effrayant : c’était peut-être là l’intention du réalisateur…