Un peu moins de cinq ans après un Limits Of Control qui sonnait comme un petit mais vrai premier faux pas dans la filmographie de Jim Jarmusch, la sortie de ce nouvel opus laissait quelque peu songeur. Le déclin annoncé allait-il se confirmer ou allais-je retrouver le réalisateur ayant mis en scène quelques uns de mes films préférés (Deadman, Ghost Dog,...) ?
Si le résultat n'est pas tout du long à la hauteur de ses meilleures oeuvres, il n'en est pas moins très réussi.
Dès ses premiers plans tournoyants et hypnotiques, Only Lovers Left Alive m'a vampirisé pour ne plus me lâcher jusqu'à la fin du générique et même encore un peu ce soir, quelques heures après le visionnage. Jarmusch retrouve ses qualités de mise en scène, notamment sa faculté à maîtriser parfaitement la lenteur. Et il nous gratifie une fois de plus d'un sans faute musical.
Ici les vampires ne sont ni monstres assoiffés ni play-boy de bas étage. Il sont plus plutôt de tristes junkies, puits de science, de culture et à la fibre artistique très développée mais destinée à rester éternellement cachée.
Et si on envie leur infinie connaissance et le fait d'avoir pu côtoyer au cours des siècles nombre des grands noms du présent et du passé, on regrettera moins l'ennui profond qui ressort de cette si longue existence.
Joliment incarnés par Tom Hiddleston et Tilda Swinton, Adam et Eve errent dans les venelles sombres de Tanger et dans un Detroit fantomatique, sorte de cimetière industriel qui leur sied si bien. Puis viendra s'y greffer le personnage d'Ava incarné par Mia Wasikowska qui, au-delà de ré-hausser quelque peu le rythme du film et d'apporter un peu de fraîcheur, vient chambouler leur morne existence, simplement en y ajoutant de la "vie".
A noter également la performance du toujours parfait John Hurt en vampire à la plume aiguisée.
Là où le bât blesse un peu, c'est dans le sous-texte parfois un peu trop simpliste. Cette critique un peu trop appuyée de l'humain, ici nommé zombie à la manière d'un Bret Easton Ellis, qui s'auto-détruit sans s'en rendre compte. Mais cela n'entache au final pas vraiment cette romance décalée et le plaisir de retrouver toutes les caractéristiques typiques des films de Jim Jarmusch. Les interludes musicales, les balades noctunes en voitures où s'entremêlent les plans en fondu... Tout y est, jusqu'à frôler la caricature. Mais cette fois, il a su garder le contrôle et ne pas franchir les limites.