Beau, beau, beau et chiant à la fois !
Cette histoire de vampires n'est évidemment qu'un prétexte. C'est l'immensité du temps qui intéresse Jarmusch, la musique, l'amour peut-être. En vrai romantique resté bloqué au XIXe siècle, cultivant le spleen dans une posture misanthrope convenue, le cinéaste dandy, tout aussi lettré que raffiné, met en scène ses propres rêveries dans une sorte de poème à volonté hypnotique.
L'image est sublime, la mise en scène très élégante, la musique envoûtante. On a là le travail d'un esthète. Les séquences tournées dans les rue de Tanger et Détroit sont particulièrement belles. Mais l'esthétique du film n'existe que pour elle-même, se pâme d'elle-même, se regarde dans le beau miroir que Jarmusch lui tend.
L'émotion est totalement absente. On ne s'intéresse jamais à ce couple de vampires ayant de fait traversé les siècles, fréquenté Byron ou Schubert, évoquant avec dédain la décadence du monde. Comme ils s'appellent Adam et Ève, on imagine que Jarmusch leur prête de hautes valeurs symboliques, mais ça nous intéresse guère. En créateur coupé du monde, pur cliché romantico-tourmenté, Adam n'est pas vraiment sympathique. Ève l'est davantage, plus en phase avec le monde, mais pas vraiment passionnante. Ça bouge un peu quand Ava, sœur d'Ève, vient les bousculer, mais ça ne dure pas. Quand en partant, elle les traite de "snobs condescendants", on est bien d'accord avec elle.
L'ennui est présent dès le début et ne nous quitte que très peu. C'est un doux ennui, pas vraiment irritant, un peu soporifique, jamais hypnotique. On regarde les belles images, la toujours impériale Tilda Swinton, la délicieuse Mia Wasikowska. On écoute la musique. On attend que ça se passe. La scène de fin est très belle.