Le Detroit en images est lent
J'avoue que, quand j'ai entendu parler de ce film, lors du Festival de Cannes 2014, j'ai été surpris. Un film de vampires en compétition officielle, ça faisait bizarre. Un film de vampires signé Jim Jarmusch, ça fait encore plus bizarre.
Je n'avais pas croisé la route du cinéaste depuis le très bon Broken Flowers. D'où une certaine impatience de ma part à voir ce nouvel opus.
Dès le début, on se retrouve dans du Jarmusch. Rythme lent, personnages marginaux, importance de la musique, scènes contemplatives, scènes comme figées, ambiance vague et mélancolique.
Dans les premières minutes nous suivons les trajets parallèles de deux personnages, Adam et Eve (non, ce n'est pas une blague). Lui est à Detroit, elle à Tanger. Des décors qui ont leur importance, tant ils s'accordent à l'humeur des personnages. Detroit, c'est la ville est déliquescence, la ville en ruine, ravagée économiquement et socialement, une ville dont on ne verra que des immeubles en voie de putréfaction. Une ville sombre et comme morte. La ville idéale pour un misanthrope suicidaire qui passe sa vie enfermé dans son logement, entouré de ce qui lui est nécessaire, à savoir des guitares et tout ce qu'il lui faut pour faire sa musique.
Tanger, au contraire, est une ville plus lumineuse. Filmée dans des tons ocres, elle se révèle toute suite plus chaleureuse, plus propices aux sorties. Ses petites rues tortueuses s'opposent aux grands boulevards déserts. Un univers plus humain et vivant, qui en dit long sur le personnage d'Eve, plus sociable, plus accrochée à la vie et à ses plaisirs.
Cette différence de décors va rythmer le film. D'abord par un montage parallèle, nous passons rapidement (enfin, la rapidité selon Jarmusch) d'une ville à l'autre. Puis, Eve rejoint Adam à Detroit, où se passera la majorité du film. Enfin, ce sera retour à Tanger. Et, à chaque fois, el passage d'une ville à l'autre signifiera un changement d'ambiance, le passage d'une atmosphère mortifère à une autre, plus vivante.
Adam et Eve sont donc amants. Depuis un temps sûrement considérables pour nous, pauvres humains. Et Eve rejoint alors Adam à Detroit. Commence la partie la plus longue et pas franchement la plus passionnante du film. Adam et Eve sont dans la maison d'Adam. Ils boivent du sang comme d'autres se font un fix. Ils écoutent de la musique. Ils découvrent des amanites tue-mouches dans le jardin. Wahoo !
Le minimum qu'on puisse dire, c'est que le rythme est lent. Les seules scènes vraiment intéressantes alors sont les sorties nocturnes dans les boulevards de Detroit. ça rappelle un peu une version nocturne de Ghost Dog.
Certes, Adam et Eve se devaient d'être seuls au monde. Sûrement plus le premier couple, mais peut-être bien les derniers humains au monde. Dans ce monde-là, en tout cas.
A part ça, j'avoue que l'ennui m'a bien gagné...
...jusqu'à l'arrivée d'Ava, la sœur d'Eve. L'emmerdeuse (car c'en est une) a réveillé mon intérêt pour le film. Mais là, je n'en dirais pas plus.
Esthétiquement très travaillé, le film propose une vision assez particulière du thème des vampires, des personnages qui brûlent leur propre vie. Jarmusch reprend à son compte diverses visions du thème. Le vampire rockeur (comme le Lestat d'Anne Rice), le vampire-drogué (comme dans The Addiction, la magnifique film d'Abel Ferrara). Quelques notes d'humour viennent ponctuer l'ensemble.
Mais il faut bien admettre que la lenteur excessive m'a ôté une grande partie de l'intérêt que je pouvais avoir pour le film.