A une époque où la nuit est très sombre, où le sang ne coule plus à flot, et où les humains ne prennent plus conscience de rien, deux vampires contemplent et réfléchissent à propos de ce monde qui n'est finalement ni plus ni moins que le nôtre.
Only Lovers Left Alive est un film raffiné, Jim Jarmusch possède un sens aigu de la mise en scène, son long-métrage ne se vit pas, mais s'admire plutôt. D'ailleurs quoi de plus logique lorsqu'il s'agit d'une histoire de vampires très vieux.
Le cinéma indépendant n'aborde que trop rarement des thèmes de genre, ainsi lorsque l'on voit Tilda Swinton et Tom Hiddleston métamorphosés en noctambules à longues canines, il y a de quoi être curieux. Si le film accuse pourtant parfois quelques longueurs, il n'en demeure pas moins qu'il pose pourtant des problématiques très pertinentes. Notamment la condition d'être un vampire, témoin de plusieurs époques révolues et incapable de s'adapter à une nouvelle. Le soucis d'Adam c'est qu'il ne fait pas parti des fondateurs des temps modernes, il n'a pas autant apporté à notre époque qu'aux autres qu'il a traversé. Il ne s'agit là ni plus ni moins que d'un personnage frustré, morose et presque bougon, mais également romantique. Sa belle est incarnée par Tilda Swinton et s'appelle Eve, elle vit à Tanger et semble être plus épanouie que son conjoint. Pourtant lorsque les deux amants se rejoindront, ils seront confrontés à d'autres démons. Bien que l'amour soit une partie importante de leur existence, la vie de leur couple est devenue lassante, si bien que malgré la passion qui les unis, ils n'éprouvent plus le besoin de vivre ensemble.
Le film parle aussi de cela, de la vie d'un couple très vieux, de ce qu'une vie à deux peut donner lorsque l'on a vécu plusieurs siècles. Le constat n'est pas si triste que cela pour ce qui est de cette partie de l'histoire, Adam et Eve ont besoin l'un de l'autre, ils ont juste appris à s'aimer différemment. Si bien que quand va débarquer Ava, la soeur de Eve interprétée par Mia Wasikowska, les deux amants vont être confrontés à ce qu'ils ont été par le passé: des prédateurs. Bien qu'Adam désapprouve le mode de vie d'Ava, qu'il juge conformée à celui des zombies (les humains), il ne peut s'empêcher pour autant d'avoir une certaine jalousie, à l'instar de Eve. Jarmusch parle du renouveau à travers l'ennui et la morosité, tout est possible dès lors que l'on en a envie, l'envie c'est ce qui manque cruellement à Adam. Outre son aspect psychologique servant à dépeindre la condition d'une vie trop longue, c'est aussi en abordant ses personnages de vampires comme des humains, que le réalisateur tire profit de son sujet. Sans pour autant qu'il n'en fasse des être surnaturels complètement dénaturés, il s'attache à les faire transparaître comme des être normaux avec une existence devenue banale.
C'est tout autre chose avec les décors. Detroit est ici filmée comme une ville morte, complètement désincarnée et elle aussi témoin d'une autre époque plus prospère. Adam y trouve pourtant un certain refuge malgré tout, à l'instar de Tanger pour Eve. C'est dans cette manière de personnifier les décors, que le réalisateur parvient à donner le ton. Non seulement il sait donner vie à son histoire grâce à cela, mais il sait aussi créer une symbiose entre ces décors et les personnages. Le travail effectué sur la mise en place des objets, de la décorations et tout ce qui touche à l'ameublement de ces lieux de tournage, tient du grand art. La maison d'Adam est très fouillée pour ce qui est des détails, à l'instar du personnage qui donne vraiment cette sensation d'avoir trop vécue, cette maison aussi provoque ce même effet. Ce sont des détails qui peuvent paraître banals, mais pourtant ils ont une véritable incidence sur l'ambiance, mais aussi et surtout sur la portée du scénario. Il faut aussi bien entendu souligner l'importance de la photographie, très new age et sombre, en accord parfait avec le sujet, tout comme les musiques qui viennent pimenter quelque peu les instants plus lents et parfois répétitifs de l'histoire.
Les acteurs quant à eux parviennent à incarner ces personnages. Outre un Tom Hiddleston complètement à l'inverse de ce qu'il propose d'habitude, c'est surtout Tidla Swinton qui encore une fois prouve qu'elle est l'une des meilleures comédiennes de son temps. L'actrice incarne une beauté froide, tendre et pourtant dangereuse. De vrais vampires, glaçants et effrayants car ils sont proches de nous. L'homme est un vampire pour l'homme.
Certes un peu lent et répétitif par instant, et pourtant il s'agit sûrement d'un effet désiré puisque la répétition traduit parfaitement l'état d'esprit des personnages, le film propose des thèmes très intéressants et surtout très vrais et actuels. A la fois complètement personnel et en même temps très ouvert en ce qui concerne les métaphores de ses sujets, Only Lovers Left Alive est un excellent film sur la partie moderne du mythe du vampire. A découvrir absolument !