Le dernier film de Jim Jarmush. Un retour dans une salle obscure. En pleine semaine. De nuit, pour une apparition de la troublante Tilda Swinton. Eva, à Tanger. Adam, à Détroit. Un vinyle tourne, leurs verres se vident. Une transe palpable, enviable, à distance. Wanda Jackson lance la bande originale. La suite, composée par Jozef Van Wissem, ne nous lâche plus, nous étreint, nous questionne. Deux heures, la vie à deux, entre deux mondes marquées par la mélancolie. Je ne me suis jamais servie un verre de O négatif, mais ose spoiler l’errance de ses êtres centenaires. Une comédie romantique. Je vous aurais prévenus, zombies !

On découvre le quotidien d’Adam et Eva. Des rendez-vous ritualisés pour conserver un lien avec l’extérieur. Lui collectionne les guitares : Gibson, Hägerström, Gret… S’adonnant à de nombreuses compositions funèbres, que l’on voudrait entendre en club. Un Revox tourne. Elle, ferme avec précaution la porte, arpente les rues pour rejoindre le Café des 1001 Nuits. Référence à la Beat Generation, à Burroughs et Gysin. Repartant avec quelques bons mots d’un ami de longue date et une merveille rouge sang en sachet. L’un est submergé par une certaine forme de résignation, de tradition, commandant à son seul et fidèle serviteur une balle faîte de bois de fer, d’amourette et de grenadille. Les appellations latines, moyennant finances, ponctuent leurs échanges. Il faut parfois arpenter les allées d’un hôpital, un stéthoscope autour du cou. Dr Faust et Dr Watson. Des références littéraires, musicales pouvant déplaire à certains, et flatter le goût d’autres. Selon le réalisateur, l’acteur principal, aux gants noirs, est un croisement entre Syd Barrett et Hamlet, ayant conversé avec Lord Byron (le père de la méconnue Ada Lovelace) ou s’arrêtant en voiture devant la demeure familiale du producteur Jack White.
AdamEva le rejoint pour partager de tels moments, de tels souvenirs. Après un Facetime, cablé sur un vieux poste télé. Elle n’a pas hésité à prendre un vol de nuit sur Air Lumière, pensant à parcourir et sélectionner de ses doigts fins les meilleurs passages, ouvrages, amoncelés dans son appartement. Un rapport aux objets, aux rencontres au fil des siècles. ‘May I ?’. Il lui retire ses gants blancs sur le pas de la porte, s’installant confortablement pour écoutent les vibrations des instruments. Partie d’échecs, accords au luth, énumération des grands noms – de Darwin à Tesla. Lui reste insensible à la beauté actuelle, attaché aux vieilles photos, atterré par la mondialisation, le sang contaminé.

La venue (prémonitoire et bien réelle) de la sœur d’Eva les replonge dans de sombres nuits. Los Angeles, sa chevelure rousse, sa jeunesse. Elle ne semble pas vouloir être en marge. Les amenant dans une salle de concert, aiguisant son appétit. Le petit déjeuner, Soul Dracula nous remontent dans le temps, les années 70. Ses valises se retrouvent sur le pas de la porte. Ils doivent alors repartir, reprendre un vol de nuit. Cet ami de longue date aura tout fait pour pouvoir les saluer une dernière fois. Ces œuvres n’ayant jamais été publiées à son nom, signées de sa propre plume. Le manque d’hémoglobine ne leur fait pas perdre leur humour désabusé, distancié. ‘What are we gonna do ?’. Un écart, une folie digne du XVème siècle à la vue d’êtres a(i)mants.

De la pure élégance animale
kinosan
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le 6 mai 2014

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kinosan

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