Opening night est un film sur la vieillesse, la solitude et avant tout sur l’amour. Mais le film ne serait rien sans la prestation époustouflante de Gena Rowlands. L’actrice crève l’écran par sa présence physique sur et en dehors de la scène. Le film tourne en effet autour d’une pièce de théâtre, The Other Woman. Pendant tout le film, on suit le quotidien des personnes impliquées dans ce projet, de l’actrice principale au producteur en passant par le metteur en scène. Le temps de la tournée, ces personnes vont se retrouver intimement liées et vont se côtoyer au quotidien avec plus au moins de facilité. Le quotidien est en effet rythmé par les répétitions, les représentations, et les nuits à l’hôtel.
Une tension permanente
Dans ce film, toute l’action est centrée sur l’actrice de la pièce qui souffre et fait subir à son entourage un comportement excessif, proche de la folie, où l’alcool est omniprésent. Dépassant leurs problèmes personnels, les membres de l’équipe lui font sans cesse des concessions de telle sorte que l’on est au début exaspéré par son manque de maturité et son mutisme. On est gagné peu à peu par la peur de ne pas la voir réussir. Tout son entourage dépend d’elle et chaque rechute semble une menace pour la pièce qui verrait alors son existence menacé. Gena Rowland semble être en permanence maintenue sous perfusion par ces personnes qui la poussent, l’entourent de leur sollicitude. En réalité, l’égoïsme de ces personnes est latent car leur soutien cache des réalités personnelles plus prosaïques.
Une profonde solitude
Si ces personnes se côtoient tous les jours, elles n’en restent pas moins seules. La différence majeure entre elles et l’héroïne, c’est que chaque membre de l’équipe refoule et dissimule son propre malaise derrière des masques. L’anomie apparente de l’actrice est en fait le lot de tous. Ainsi, le metteur en scène traverse une période difficile avec sa femme ; leur couple a du mal à trouver un nouveau souffle.
Dans ce film, le personnage interprété par Gena Rowlands réalise avec la pièce dont elle a le rôle principal que son existence s’est révélée jusqu’à présent désastreuse. De nombreux parallèles peuvent en effet être établis entre son personnage et elle-même. Sans enfants, sans attaches, toute sa vie se résume au théâtre. Elle s’y accroche désespérément. Le fait de jouer une femme d’âge mur lui fait prendre conscience qu’elle vieillit et qu’elle risque de se voir refuser des rôles. Elle n’arrive pas à affronter la réalité et trouve un exutoire ô combien difficile et dévastateur dans l’alcool. Cette destruction physique lui apparaît comme un châtiment nécessaire pour expier tous ses échecs sur le plan personnel. Elle n’arrive plus à être elle-même comme le lui fait remarquer à juste titre un autre acteur ; elle s’est construit un personnage sophistiqué, inaccessible mais qui se révèle creux. Ces protections, ces boucliers ne peuvent contre la fuite du temps et la solitude.
Une réflexion sur le travail de comédien
Le film commence par une réflexion de l’actrice sur le travail de comédien ; elle explique que tout le monde à besoin d’être aimé. Pour elle, cet amour passe par la reconnaissance des spectateurs ; elle essaye de s’y tenir mais cet amour est faux car les spectateurs ne l’aiment pas elle, mais seulement l’idée qu’ils se font de l’actrice. Dès lors, elle va essayer de se tourner vers les membres de l’équipe qu’elle côtoie. Ceux-ci ne vont pas pouvoir la satisfaire car la carapace qu’elle a construite est trop solide et impénétrable.
La rencontre puis la mort d’une de ses fans à la sortie d’une représentation va profondément l’affecter. Elle va progressivement s’approprier ce personnage qui apparaît comme son double, la fille qu’elle était à 17 ans. Ce personnage fantasmé et qui lui renvoie son image constitue au début une sorte de réconfort, mais cette apparition va se retourner contre elle et la faire revenir à la réalité.
La création est porteuse d'espoir
Cependant, loin d’être sans espoir, le film est porteur de réconfort et de joie : Gena Rowlands cherche avant tout à faire passer un message d’espérance à travers son personnage. En l’état, la femme qu’elle joue n’apporte pas de solution et reste enfermée sur elle-même ; elle, veut au contraire s’ouvrir aux autres et connaître l’amour, la reconnaissance et la sécurité d’une telle relation. C’est d’ailleurs pour cela que la pièce évolue à mesure qu’elle y apporte sa touche personnelle. Elle refuse le personnage et elle parvient à rallier à sa cause les autres acteurs. D’abord déconcerté, l’acteur joué par Cassavetes se prend au jeu et parvient à composer pour la soirée d’ouverture (« Opening night ») une partition inédite qui emporte l’adhésion de l’auditoire. La vie continue, porteuse des plus grands espoirs. Il vaut vivre aurait dit Paul Valéry.
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