«Les circonstances de la capture d'Adolf Eichmann sont si dramatiques qu'elles semblent sorties d'un film. Pourtant, cela s'est vraiment produit», souligne Chris Weitz. Avec Opération finale en ligne depuis mercredi sur Netflix, le réalisateur américain, ex-spécialiste des blockbusters pour ados Twilight 2 et La Boussole d'or, ravive dans les mémoires un des épilogues les plus extraordinaires de la Seconde Guerre mondiale. La capture en 1960, en Argentine, par les services secrets israéliens du haut fonctionnaire nazi Adolf Eichmann. L'architecte de l'Holocauste supervisa l'acheminement par trains de millions de Juifs vers les camps et leurs chambres à gaz.
Sorti en salle aux États-Unis fin août, distribué ailleurs dans le monde par la plateforme SVOD, Opération finale a clôturé le dernier Festival du cinéma américain de Deauville. La reconstitution s'articule comme des poupées russes mêlant suspense pur et face-à-face existentialiste entre Adolf Eichmann (Ben Kingsley) et son kidnappeur l'agent Peter Malkin (Oscar Isaac, Star Wars). L'enlèvement clandestin d'Eichmann, qui nécessite que l'ex-SS ne puisse pas prononcer un mot et donner l'alerte, alimente un thriller historique, soigné. Classique mais mené tambour battant, le film revient sur l'improbable hasard qui mit le dignitaire du IIIe Reich, réfugié en Argentine sous une fausse identité, sur les radars de l'État hébreu. Son fils, le jeune Klaus Eichmann sortait avec une jeune femme. Sans savoir que le père de sa soupirante était un Juif allemand pour qui le patronyme Eichmann était de sinistre mémoire.
La fiction vibre par le duel psychologique entre Eichmann et Malkin qui doit obtenir son consentement écrit pour l'extrader et le juger en Israël. Là où ses collègues refusent de parler au monstre, qui a été le bourreau de leurs proches, et le brutalisent, Malkin le nourrit, le rase, lui adresse la parole. Une relation où pour obtenir ce qu'il veut, il doit révéler à son prisonnier ses failles que ce dernier exploite en fin manipulateur.
«Ce maître de l'horreur s'avère un être humain ordinaire chétif, tassé sur sa chaise, qui tient à sa famille», note Oscar Isaac. À ceux qui lui reprocheraient d'humaniser Eichmann, Chris Weitz pointe du doigt la banalité, comme dirait Hannah Arendt, des hommes du IIIe Reich. «Des opportunistes qui ont commis des crimes, guidés par leur idéologie, et non des psychopathes-nés», pense-t-il. Son film, où apparaissent aussi Mélanie Laurent et la star de Fauda , Lior Raz, interroge in fine sur la possibilité d'obtenir justice.
Proche d'Elie Wiesel depuis son rôle dans La liste de Schindler, Ben Kingsley a tourné Opération finale avec une note du prix Nobel de la paix disparu sur lui. Il lui a dédié sa performance.
Faut-il exécuter sommairement Eichmann pour venger les morts, comme certains au sein du commando le souhaitent? Faut-il le laisser vivant pour permettre aux survivants de la Shoah de témoigner à un procès historique? Proche d'Elie Wiesel depuis son rôle dans La liste de Schindler, Ben Kingsley a tourné Opération finale avec une note du prix Nobel de la paix disparu sur lui. Il lui a dédié sa performance. «Opération finale ne répond pas à un simple devoir de mémoire. La résurgence actuelle de l'antisémitisme, des haines raciales et du nationalisme porté par des démagogues montre que cela peut arriver à nouveau et fera toujours partie de notre paysage», met en garde Chris Weitz. Son père, agent des services dce renseignements américains, a fait partie des premiers alliés à pénétrer dans Dachau. Il en est resté marqué à vie. (critique piqué dans un quotidien français mais elle est très juste)