On sait bien ce qui obsède Guy Ritchie. Toute sa filmographie se résume à cela : créer l'arnaque parfaite. Il est toujours question d'un paquet de fric à chourer ou à extorquer des griffes de types mal levés, le plus souvent prognathes et armés jusqu'aux dents. Il s'efforce toujours de créer ce mélange contre-nature entre le Pigeon de Monicelli et Expendables de Stallone.
Les bras cassés animent les deux camps, les répliques fusent, les méchants ont des accents étrangers, le side-kick une perruque ridicule, les nanas sont des saintes ou des allumeuses. Bref une vision du monde "à l'ancienne", schématique & convenue, c'est d'ailleurs ce que beaucoup lui reprochent, alors qu'il doit y avoir la place pour tout le monde.
Et malgré ces limites évidentes, et pour une raison que j'ai encore du mal à identifier, ses films demeurent très sympathiques. The gentlemen son avant-dernier a reçu une volée de bois vert alors qu'il était très divertissant. Il lui sera beaucoup pardonné, car il a conscience qu'il ne sera jamais Scorsese ou Tarantino, il n'en a pas l'ambition ni véritablement l'envie d'ailleurs - même si Snatch s'en approche en termes de qualité.
Son but est de divertir le lad de base. Il fait des films qu'il aurait voulu voir avec ses potes, des trucs sans prétention, sans double lecture, sans le souci de la référence cinéphile constante à un autre comme peut le faire Edgar Wright et pour lequel j'ai déjà beaucoup moins de sympathie.
Ritchie se fiche complètement de montrer qu'il a vu le film culte qu'il faut connaître pour être pris au sérieux par les journalistes. Il ne monte pas ses films pour s'empresser d'y truffer des clins d'œil à Argento ou Herz, il les fait juste pour se défouler et mettre en scène ce fameux fantasme du casse parfait (ou parfaitement désastreux). Enfin, c'était le cas jusqu'à ce qu'il décide de faire un casse pour de vrai. À la façon d'Argo de Ben Affleck, il semble évident que Ritchie a réalisé Operation Fortune pour masquer son propre coup : subtiliser des millions de dollars à Amazon prime en chiant grossièrement une histoire qui reprendrait ses ingrédients habituels, mais sans la moindre qualité d'écriture. La couverture est parfaite : Jason Statham, aussi médiocre que d'habitude, Aubrey Plazza en fashionista chargée de convaincre ces dames de regarder le film avec Monsieur ce soir, Josh Arnett qui fait le rôle que Colin Farrell a certainement refusé de jouer et Hugh Grant désormais en roue libre dans le rôle du vieux milliardaire flegmatique zarbi.
Bien entendu, je fantasme. Le film devait initialement sortir en salle, mais les distributeurs américains ont fait machine en arrière sans raison officielle, mais il semble que le choix d'avoir proposé des méchants ukrainiens alors que le conflit en Russie éclatait, a fortement pesé sur la reprogrammation en direct to vidéo. Guitoune a mal senti le coup, c'est pas la période pour passer pour un bolchévik.
Il peut s'estimer heureux que Prime distribue ce truc, jamais amusant (un comble alors que c'est son point fort), pas bien filmé (y a un gros problème avec les scènes de voiture et certains fonds verts affreux) et incroyablement convenu. À noter que les scènes de baston sont particulièrement paresseuses. Statham n'étant plus tout jeune, on ne peut pas dire qu'il se bouge comme Roger Hanin dans Navarro, mais ça sent quand même un peu l'écurie.
Tout cela pour dire qu'on est jamais surpris devant les vagues rebondissements de cet ersatz de James Bond. C'est bien triste. Tiens d'ailleurs à sa grande époque, j'aurais adoré le voir réaliser un James Bond. C'était le seul capable de faire un 007 bien toxique et invraisemblable à l'ancienne. Avec Clive Owen, dedans, ça aurait eu de la gueule.
Ritchie accuse peut-être le coup de voir Matthew Vaughn lui griller la place avec ses Kings'man (lui-même de moins en moins inspirés d'ailleurs) dans la peau du réalisateur britannique à gros cartons au box-office.
Allez Guy, tu vas te refaire.