Le cinquième "James Bond" n'est pas encore sorti que sort en Italie Opération Frère cadet, une curiosité dont on ne sait pas trop au départ si c'est une réelle parodie ou un "James Bond" frelaté.
Sean Connery est à cette époque vampirisé par le rôle de 007, au point que les gens l'appellent James Bond dans la rue. Ils ne savent visiblement plus où s'arrête Connery et où commence Bond. Et c'est sur cette ambiguïté que repose Opération Frère cadet, ou OK Connery en version originale. Parce que c'est effectivement le propre frère de Sean qui interprète le rôle principal sous son vrai nom. Il est à la fois lui-même et un personnage. On lui demande donc de venir en aide au MI6 ("Votre frère est notre meilleur agent secret, donc je crois que je peux vous faire confiance."), et Neil aura ces mots : "J'ai toujours trouvé le métier de mon frère ridicule." lorsque le commandant Cunningham (Bernard Lee, alias M dans la série) viendra lui demander ses services, accompagné de Maxwell (Loïs Maxwell, alias Moneypenny dans la série).
Le but est de déjouer la tentative de THANATOS (le SPECTRE dans "James Bond") de soumettre le monde à un nouveau chantage ignoble. A la tête de cette organisation criminelle, on trouve Alpha (Anthony Dawson, alias Pr. Dent dans Dr. No ou Blofeld dans Bons Baisers de Russie et Opération Tonnerre) et Beta (Adolfo Celi, alias Largo dans Opération Tonnerre). Parmi leurs exécutantes, on trouve également Maya (Daniela Bianchi, alias Tatiana Romanova dans Bons Baisers de Russie). On pourra ajouter que Lotte, la complice infirmière de l'organisation, ressemble à Lotte Lenya (Rosa Klebb dans Bons Baisers de Russie) et qu'elle manie le couteau à main aussi bien que Klebb maniait le couteau à pied.
Ce film n'est pas bon. Il est fait sans les grands moyens qui sont nécessaires à ce genre de projet. Il est mal réalisé et très mal rythmé. La musique (à laquelle Morricone a contribué) est abominable - à commencer par la chanson du générique qui fait passer "The Man with the Golden Gun" de Lulu pour un chef-d’œuvre de bon goût et de finesse mélodique.
On dit habituellement de ce film que c'est une parodie. Mais à aucun moment on n'y voit de volonté de ridiculiser le modèle. Celui-ci est copié, mais pas moqué ou tourné en dérision ; ou si peu. On ne trouve que quelques allusions ou clins d’œil ("Vous lisez trop de romans de Ian Fleming" ou "Ils se sont adjoints les services du frère de cet agent, zéro zéro..." "Oui, je sais, elle est très ennuyeuse, cette famille.") Ensuite, le grotesque du manque de moyens rend le film plus risible que comique. Certains "Bond" officiels sont plus (auto)parodiques que Opération Frère cadet. Mais il est intéressant pour montrer qu'il ne suffit pas de connaître la recette pour obtenir un bon résultat. Il faut aussi avoir la bonne technique et le bon dosage des ingrédients. Le film n'est sauvé que par la participation des acteurs qui ont accepté de reprendre des rôles bondiens. C'est donc finalement un "James Bond" Canada Dry : ça ressemble à "James Bond", ça a la couleur de "James Bond", mais ce n'est pas "James Bond".