À travers ce biopic de 3h centré sur le physicien J. Robert "Oppie" Oppenheimer, ce Prométhée moderne ayant "offert" à l'humanité son pouvoir de (auto-)destruction ultime, Christopher Nolan nous propose une fresque imposante et éreintante.
À l'image de son précédent «Tenet» (mais pour d'autres raisons), ce «Oppenheimer» peut facilement figurer parmi les œuvres les moins accessibles/grand public de son auteur.
Film où la parole et la musique (signée Ludwig Göransson, et parfois un peu assommante) sont omni-présentes, cette œuvre "théorique" peut dérouter de par son approche narrative et formelle.
Personnellement, il m'a fallu au moins 45-50mn pour me mettre enfin convenablement dans le film (la faute à un trop-plein d'histoires et de paroles qui s'entrecroisent à un rythme effréné et manquant parfois de contextualisation), mais une fois que le récit se recentre (ici sur le fameux projet Manhattan, situé à Los Alamos) et en devient plus digeste, on finit par s'immerger lentement mais sûrement dans le récit et la trajectoire de cet homme contradictoire et insaisissable (impeccablement incarné à l'écran par Cillian Murphy).
Héros de guerre grâce auquel les USA mirent fin à la 2nde GM, puis mis sous silence pour cause de soupçons pro-communistes sous le Maccarthysme, ce scientifique qui mit au monde l'arme de destruction massive et s'opposa ensuite à sa prolifération (en voyant notamment les répercussions dramatiques et destructrices sur la population japonaise), dresse toute l’ambiguïté et le questionnement moral de l'être humain derrière le scientifique.
Se faisant un devoir de battre à tout prix les Nazis à la course à l'arme ultime, c'est lui qui mit entre les mains de son gouvernement le bouton qui pourrait mettre fin à tout (la séquence de phase de test final, opératique et prenante, est une parfaite illustration de ce "monstre merveilleux" qui prend vie face à lui).
Un créateur qui va devoir vivre éternellement avec la réaction en chaîne qu'a provoqué sa création, comme le souligne la mise en scène sensorielle de Nolan au cours du film.
Le film aurait gagné à respirer un peu plus pour le rendre plus lisible dans sa globalité (la vie privée d'Oppenheimer reste par exemple très anecdotique, et les personnages féminins sacrifiés).
Mais malgré notamment un premier tiers confus, je ressors de la projection à la fois lessivé et captivé par ce que je viens de voir (et qui méritera sans doute un second visionnage à tête reposée).
Un "film d'horreur scientifique" qui résonne jusqu'à nous, comme l'illustrent les dernières images du film, qui ont forcément un écho tout particulier dans notre monde actuel. 7,5/10.