Oppenheimer est un très mauvais film (ça l’est encore plus quand je vois ou lis des réactions et avis dithyrambiques dessus). Je vais essayer d’expliquer pourquoi du mieux que possible.
Tout d’abord le film va bcp trop vite, on se retrouve face à une accumulation de faits, on nous balance des faits, des noms et ça fait très name-dropping. Mais on ne s’attarde jamais sur les relations entre les personnages, les différents scientifiques importants. Et vu qu’on ne s’attarde ni sur les faits, ni sur les personnages si sur ce qu’ils font vraiment, on survole tout. Et ce n’est pas aidé par le montage alterné entre le
simulacre de procès d’Oppenheimer qui va servir à faire le pont entre deux événements du passé, et par ces immenses tunnels de dialogues (mais ça j’en parlerai plus tard). Il essaie de brasser toute la vie du mec comme tous les biopics génériques que je déteste tant, les biopics wikipedia qui n’ont pas d’angle et pas de point de vue.
Sans transition, je ne comprends pas son choix de couleurs/noir et blanc à part pour montrer que là c’est Oppenheimer qui raconte et l’autre Lewis Strauss sauf que Nolan avait parlé de point de vue et c’est faux. Les séquences en couleurs et noir et blanc sont toutes filmées de la même manière, de façon assez neutre, des champs contre champ plutôt scolaire (à quelques exceptions comme son discours face aux scientifiques). Mais ce ne sont pas des point de vues car les rares scènes qui sont communes à la couleur et le noir et blanc n’apportent aucune modification, nuance ou contrepoint. Il y a l’humiliation de Strauss devant le Congrès (je crois) avec la blague d’Oppenheimer sur les isotopes et celle où ils sont autour de la table avec toutes les scientifiques de la commission mais la d’heidi eme itération est plus un prolongement plutôt qu’un réel jeu sur des phrases qui changent ou ont été mal interprétées par l’un ou par l’autre. Ce ne sont pas 2 vérités qui s’affrontent.
In fine la seule raison que je vois à cette différence de couleurs est pour signifier assez grossièrement au spectateur que là on est bien dans le simulacre du procès de Strauss et ici le simulacre de procès d’Oppenheimer.
Maintenant je vais parler du climax, l’explosion de la bombe atomique, le pétard mouillé du film. La limite de Nolan à tous les niveaux, un échec absolu que ça soit sur le plan narratif, esthétique et même tout le « combat » de Nolan contre les effets numériques.
Faire de ce moment le seul instant de silence, bonne idée rien à redire.
Mais je ne ressens à aucun moment la puissance de l’explosion (le décalage abusif du son n’aide pas), son souffle, son horreur, il nous fait des gros plans face caméra tout le film et LE moment où je veux voir la réaction d’Oppenheimer il nous le filme de profil ! On ne ressent pas la puissance, le souffle, l’horreur ni la fascination de l’atome. Filmer l’intérieur de la boule de feu, explorer la colonne de feu à l’échelle quantique (l’infiniment petit), aurait été plus que bienvenue en plus de faire écho aux visions (ridicules) du oersonnage pendant ses études et de rendre compte que ce sont des interactions invisibles qui créent une chose aussi puissante. Niveau ressenti échec total à ce moment là.
Mais c’est encore pire sur le plan esthétique ET la note d’intention de la carrière de Nolan. Il nous bassine à chaque fois qu’il fait un film qu’il n’a pas utilisé de CGI ou VFX pour telle scène alors que c’est souvent faux et malhonnête car le générique d’Oppenheimer ne mentionnerait pas 80% des gens qui ont bossés sur les effets numériques du film. Mais cette volonté d’utiliser le moins de CGI peut être louable (bien qu’un peu ridicule, c’est plus pour la création de son personnage, une posture). De plus cette note d’intention a une limite physique, on ne peut pas tout reproduire sur un plateau. Le seul moyen de reproduire une explosion atomique c’est de faire sauter une vraie bombe atomique car ça a un visuel particulier. Le monde entier sait à quoi ressemble une explosion atomique avec sa forme singulière, le fameux champignon. Et dans Oppenheimer il n’y a pas cette forme là car il n’a pas fait sauter un engin nucléaire ni utilisé de CGI donc d’office je ne crois pas à cette explosion. Le film s’efforce d’être le plus précis historiquement sur bcp de choses notamment dans les phrases prononcées au « procès » d’Oppenheimer en reprenant les vraies phrases qu’on trouve dans les différents rapports mais par contre sur LA scène du film, celle qui l’a vendue partout il a pas été foutu de s’inspirer des véritables clichés de l’essai Trinity. Ça met parfaitement en lumière l’arnaque qu’est Nolan (sur ce plan là) et toute la limite au storytelling qu’il a construit autour de sa personne.
Enfin le dernier point sur lequel je voudrais revenir c’est le fait d’avoir fait de ce film dans lequel bcp y voient des questions politiques, morales et philosophiques un long tunnel de dialogue de 3h filmé de très près dans des pièces de 10 à 30m2 alors que le réalisateur dit partout que son film est fait pour l’Imax (immense arnaque marketing) que personne peut voir car du vrai Imax je sais même pas s’il y a 10 salles dans le monde qui en diffusent. Par contre je ne remets pas en cause le fait de vouloir tourner avec de tels caméras, s’il a envie de se faire ce kiff il le fait.
Et si certains ont trouve que le film était quand même intéressant car il pose ou soulève des questions politiques morales et philosophiques et qu’ils ont réfléchi à tout ça, c’est très bien mais ce n’est pas grâce au film, c’est uniquement dû au fait que le sujet est tellement fort que même quand il est bâclé et survolé, certaines ambiguïtés ou questions finissent par ressortir mais elles ne sont pas conscientisées par Christopher Nolan.