C’est deux mecs géniaux qui doutent de rien, et qui n’épargnerons personne.
L’un est total déter. De la conception a l’exécution de son invention atomique, pas une seconde de doute pendant 3 ans jusqu’au fatidique 6 août 1945. L’autre tourne en rond pendant 3h. Pour voir une bombe tomber ça fait long la chute narcoleptique - tryptique de critiques pour expliquer pourquoi Chris ne passe pas l’essai. Analyse en 3 temps pour 3 recettes nolaniennes qui se fait seppuku.
Nolan a un problème.
No spoiler alert : on connaît tous la fin du film, alors comment faire monter la mayo, nourrir le suspens d’une intrigue sans twist? Ni film de procès, ni véritable film d’espionnage, encore moins film de guerre, impossible à inscrire dans une grammaire, Christophe le prestigieux joue des tours de passe passe permanent pour nous séduire et surtout, pour rester fidèle à son style. Mais l’est-il, fidèle, à son sujet? Pas plus qu'Oppie. La panoplie de tours de magie sortie, Nolan se doit bien de nous faire du Nolan, Christophe l’illusioniste tente à tout prix d’apposer sa signature au film, en réutilisant plusieurs de ses procédés. Et attention ça va se toucher le nombril grave. Saint Christophe s’effondre malheureusement sur lui même comme une étoile mourante, à l’inverse du succès historique du premier essai nucléaire au cœur du film, climax miraculeux de l’opération baptisée christiquement « Trinity ». Physique Quantique, ideologie Marxiste, géopolitique? Passez votre chemin thématique, la confusion ne fait que s’ajouter à la frustration pour trois raisons. Métaphore filée tavu tmtc, quant aux tropes selon moi, les voilà.
Obviously, les 3 époques intriquées - à la Dunkirk.
Apparitions continues d’invités surprises, nombreux seconds rôles noyés dans la masse tenus par des comédiens dont les noms et visages sont bien gardés des trailers/affiches/marketing - bref, l’effet Interstellar mais ici littéralement fois dix (à la Matt Damon sorti de cryosleep à la surprise générale).
Ensuite la musique obsédante, omniprésente pour de redonner du souffle aux très longues scènes de dialogues - à la Tenet.
Le style est une démarche nous disait cocteau, et on voit mal ou veut en venir ici Nolan moins assuré que jamais malgré ses béquilles du style.
On demarre vite, et très beau. Mini aussi l'auto-referencement, à l’instar des hallus d’un Al Pacino épuisé dans Insomnia, les années d’apprentissage européenes du jeune Robert J. Oppenheimer qui ouvrent le film sont superbes. Etudiant aussi tourmenté qu’enthousiaste, ses mediatations metaphysiques sont magnifiquement entrecoupées par les flashs de ses intuitions quantiques. Dans la tradition expérimentale des effets introspectifs de 2001 de Kubrick, ces brefs effets virtuoses nous ouvrent les portes de la conscience obsessionnelle de celui qu’on ne surnomme pas encore Oppie. Superbes parentheses phénoménologiques de l’esprit, on embarque des les premières secondes du film à bord du monde intérieur d’un futur génie - autant d’instantanés stupéfiants invitant à ressentir les ritournelles rotatives qui donnent le tournis à l’apprenti sorcier, consumé par la nature atomique de l’infiniment petit et l’infiniment grand qui animent, simultanément, les forces de l’univers.
Immédiatement complices, cette plongée virtuose sans effort nous dispense de tout savoir scientifique, et créent habilement une identification avec linsaisissable physicien. On est totalement en phase avec lui, avec l’invisible melodie de la nature et c’est juste fascinant - formule de Niels Bohr son mentor interprété par Kenneth Branagh, qui revient faire coucou dans un irrésistible accent allemand. Ça change de son accent belge de Poirot pas du tout charmant.
Tout est fluide, l’ivresse de la jeunesse, l’insouciance et l’exigence précoce, tout laisse présager une aventure dans la boîte crânienne du timide Will Hunting d’avant l’heure. Nolan illustre l’insaisissable génie de l’intérieur, passant l’aventure interstellaire à l’intime avec le même sens de l’épique: de Cambridge à Zurich, le premier quart d’heure est passionné et passionant.
Mais arrivé en Califonie, très vite la musique se complique.
Avec l’âge adulte soudain disparaît aussi notre réalisateur joueur, la folie impressionniste de la mise en scène, remplacée par lenchevetrement de flashbacks noir et blanc d’après guerre, donne très vite le sentiment confus que quelquechose d louche se prépare avec l’entrée de Robert Downey Jr.
Puis cet autre montage parallèle dédiée à la persécution McCarthyste paranoïaque de l’autre Robert J. O., prit dans un procès kafkaïen commun pour l’époque. Entre multiplications des expositions dans un rythme à la Sorkin, et les effets de prismes temporels toujours plus documentaires…on bascule de triste mémoire dans les sombres heures de l.histoire américaine impérialiste, on repense au cas d’un Kazan ou d’un Chaplin en mauvaise posture. Et nous aussi.
Des lors Il y a une peur bien réelle chez Nolan, comme s’il était lui même son propre tribunal. Un sentiment palpable de devoir plaider, de se justifier. Des lors le noble moteur humaniste de son script historique - la crainte d’une apocalypse nucléaire, s’enraye soudain, prit dans ne angoisse paralysante de mise en scène, pas a la hauteur du drame, pas à la hauteur du réel, pas à la hauteur de son sujet. Et il perd l’essentiel, rester à hauteur d’homme.
L’heure est grave il faut faire du cinéma très sérieux.
A l’image de son Oppie’, Vishnu à la fois créateur et destructeur, Nolan agite ses mille bras pour impressionner les simples mortels. Incertain du point de vue à adopter, il multiplie les personnages inutiles comme des petits pains. Aveuglé comme son protagoniste il s’égare dans un labyrinthique laboratoire improvisé, sa structure narrative ambitieuse semble bricolée en urgence comme une des baraques sans cuisine de Los Alamos.
Pour ménager le public profane, la science est totalement survolé, nous n’apprendrons rien, nous ne partagerons jamais l’excitation de la découverte, des petites avancées, indifférents aux personnages des scientifiques si démultipliés qu’on ne s’attache à aucun d’entre eux, si nombreux qu’ils finissent par empiéter sur les backstory des véritables personnages secondaires prometteurs qui finiront noyés eux aussi dans cet anonymat de film choral expédié digne des derniers Wes Anderson. Des lors, que nous entrons dans Los Alamos, le sentiment d’être perdu dans un désert nous prend, comme ces scientifiques qui s’activent sans que l’on sache vraiment à quoi.
En perpétuelle montée pour tenter d’établir une tension prenante, on le sent progressivement paralysé par l’ampleur de la tâche, Christophe est terrassé par sa propre démesure comme son personnage l’a été. Ambiguïté éthique inédite du dangereux projet Manatthan : ambiguïté artistique. Comme lui à tête d’un budget colossal, il doit livrer une bombe, un succès. Et comme Oppenheimer il implose sous le poids de sa mission, paradoxale, irréconciliable.
En se faisant agent double d’Hollywood, il doit servir son pays en reniant ce qu’il est, un cineaste ambitieux intello, pour se faire passer pour l’un de ceux qu’il combat, un yesman patriote du box office. Formule dont bcp rêve mais que peu d’alchimiste on gouté depuis Matrix, le grand spectacle pop-philosophique à été le flambeau prométhéen reprit par Nolan depuis 20ans - Batman et sa critique du Patriot Act post 11/9, Interstellar qui explorait l’heritage transgenrationnel, Tenet et son allégorie écologique de l’entropie. Inception qui explorait la nature psychique du cinéma, de sa conception onirique à son exécution par l’équipe, admettant qu’il s’agit toujours du plan dangereux d’un seul homme obsédé par ses propre toupies, tabou de la famille séparée et de la mort de l’être aimé. Et en matière de cinéma dans son cas, obsédé par la nostalgie de l’action movie parfait façon James Bond de son enfance. Il serait improbable qu’il ne réalise pas un ou plusieurs opus de la franchise au point de sur place où il en est. Fonce mon gars. On sait qu’il est ouvert à l’idée depuis qq jours, il a déclaré publiquement que ce serait un honneur.
Est évidente la frayeur de nous perdre, entre ses personnages, entre les genres, et surtout, entre ses enjeux, on fait avancer l’intrigue légère de manière de plus en plus artificielle. Les thèmes sont là. La vie et la mort, la connaissance et la vanité, l’in’ovation et le pouvoir, la politique et l’amour, tout est là mais tout est effleuré.
Oppenheimer et Christopher sont condamnés d’avance, comme dans les tragédies grecques. L’un doit créer la paix avec un engin de mort absolue pour en finir avec la guerre, voire même « toutes les guerres », l’autre doit faire un biopic quasi-documentaire sur l’austère père du nucléaire, mais en restant spectaculaire, son désert à faire explosé c’est un écran IMAX...Fatum is a bitch.
Inquiet de ne pas faire un film historique et platitude du genre, le film se prend les pieds dans d’invraisemblables choix pour maquiller son manque philosophique d’écriture. La première évidente, c’est celle du récit en poupées russes donc. Je n’aurai qu’une remarque.
Pourquoi? Il n’y a aucune justification à ce désagréable va et vient de segments pourtant étanches. Le film crève de ne pas assumer sa durée, d’être ce qu’il est un récit d’une vie, sans enjeux de cinéma. Ici le réel dépasse la fiction. On se perd en jump cut autant dans les époques quen personnages furtifs, dans les noms et les rôles, créant un épuisement si peu utile, eu si peu récompense au final, qu’on aurait rêvé d’une grande épopée sur 60ans, une trajectoire honnete à la Forrert Gump, ou le dépouillement d’un récit réaliste à la JFK d’oliver stone. Faire confiance à son sujet et à ses spectateurs était trop risqué, il fallait que Christophe nous fasse encore une pseudo structure en loop - qui ici n’a aucune raison d’être. Construite en réalité autour d’un unique moment, la rencontre avec Einstein, elle n’a aucune véritable fonction dans l’intrigue sinon de clôturer le film sur une brève astuce, interessante mais absolument pas satisfaisante à l’échelle du film. En soi, le pire est qu’elle aurait fonctionner en tant que telle en flashback sans alterner le montage parallèle entre les époques!
Ça n’a aucun sens Christophe.
Avalanche de guests aussi. Sans faire un catalogue de nombreux visages connus ou familier viennent peupler le décor, bcp de la télé, et une poignée de célébrités venues combler les temps morts, juste histoire d’allonger leur cv tant que leurs scènes sont shorts. Plus l’intrigue avance, plus les choix de point de vues deviennent contestables.
Sorti de la focalisation interne du récit qui reposait uniquement sur Oppi, l’arrivée de Lewis opère un subtil changement qui laisse un goût curieux. Celui d’être finalement en focalisation externe, comme un récit en voix off, mais au lieu d’embrasser un film choral avec ces nombreux personnages potentiels ou un narrateur omniscient aurait été une option originale et radicale, on finira dans une focalisions externe tiédasse, emmêlée dans le double jeu politique d’un Lewis/Janus dont on peine au final à comprendre l’importance durant tout le film, avant les dernières séquences poussives, malgré quil soit omniprésent sur toute la durée, se faisant presque notre narrateur complice dans un premier temps mais en fait non, il n’éclairera rien sinon sa propre médiocrité militariste et la conquête prosaïque du pouvoir, roh c’est pas gentil d’être méchant dis donc.
Derrière lui, la pléthore de comédiens géniaux avec des rôles capitaux qui ne demandait qu’à être creuser. Le meilleur ami de tjs, incarné par David Krumholtz qui campait un réal de film porno fan de Godard dans The Deuce de David Simon(The Wire) et qui sera finalement le seul objecteur de conscience de tout le film. Facile de refaire le match, mais il aurait du être une occasion de formuler de passionnants dialogues pour exprimer les contradictions internes d’Oppenhimer, qui restera secret et ambitieux jusqu’à la fin. Il ne présentera d’ailleurs jamais aucun regrets de son vivant par la suite.
Rami Malek également, deus ex machina fort pratique dont on ne sait comment il a eu connaissance de la vendetta de Lewis, sauvant in extremis la réputation dOppi et sabordant au passage les ambitions de notre bad guy pro nucléaire, pratique. Ce segment entier est manichéen, littéralement comme l’image noir et blanc. Lourdeur.
Matt Damon, seul élément charme dans un film où l’humour est désespérément absent d’ailleurs, d’accord c’est pas la marque de fabrique de la maison, mais on a tjs qq soupapes bienvenues des disparitions de Batman « So that what it feels like » au vannes darkos d’un TARS à 90% d’humour noir…
Matt le grand timonier du Manatthan Project donc, laisse planer l’idée d’un état déterminé, opaque, mais n’évoque aucune réalité militaire du terrain, ni des pertes colossales dans le pacifiques, face à des japonais extrêmement résiliants et poussés à bout, ni même l’avancée capitale de la Russie, alliée ambiguë aux portes de l’archipel nippon, prête à établir un régime communiste, impensable évidement pour les ricains pourquoi tout ce qui porte une chapka est un santanobolchevik mangeur de foetus - ce qui aurait ajouté une tension concrète aux enjeux du contre la montre. Et éventuellement permettre d’immiscer subtilement au moins sur la fin, le grand absent du film, le point de vue japonais.
On croise le toujours excellent David Dastmalchian, qui de Dune a Antman en passant par Suicide squad multiplie les rôles de plus en plus importants pour cet acteur de second rôle qui compte déjà plus de chef d’œuvres que n’importe quel nouvel A-lster de ces 20 derniers années, et c’est bien mérité, (si vous voyez pas c’est lui le schizo dans Dark Knight, qui tire sur Gordon).
En fait un peu à contrario d’Eisenreich, le maudit, tjs excellent aussi,
A qui on promet une grande carrière de stars depuis dix piges maintenant, mais par quelque sortileges gypsy qui ont du glissé sur sa génération s’est retrouvé en lead du four monumental de Lucasfilm, et retour case départ y deja 7ans, après avoir joué young Solo. Le malheureux, c’est pas avec ce rôle ingrat d’exposition qu’il va se refaire, il ne sert qu’à éclaircir l’intrigue opaque du procès pour ceux qui dormaient au fond de la salle, bon, plutôt utile vu la purée que c’est vers la fin mais quand même un rôle de patate sous écrit pas très valorisant.
Et bien sûr, la surprise, Casey Affleck, extrêmement bon en militaire hardcore soupconne de meurtres de communistes dans des conditions d’interrogatoires barbares, froid et manipulateur, je gardais le meilleur pour la fin. Peut être le segment du récit le plus problématique, étant donné qu’il instaure une paranoïa prenante qui traversera toute la seconde partie pre-Trinity, avec cette tentative de créer des rumeurs d’espionnages au sein du camp top secret, nous faisant espérer une Chasse à l’homme trépidante, avec manipulation, confrontation, et bref une belle trahison coco parmi tout ce beau monde - qui aurait enfin eu plus d’intérêt que de baratiner des platitudes sur de complexes équations qui n’intéressent personne, enfin une révélation saisissante d’un agent soviétique parmi la communauté, on se prenait presque à espérer qu’Oppi lui même soit prit dans une ambiguïté de loyauté vertigineuse (en mémoire de son amour marxiste suicidee, eh oui que voulez le burnout militant ça existe). Et puis non. Cette seconde partie s’emploie étrangement à fabriquer un antagoniste et fait perdre un temps fou, pour se dégonfler à plat dans cette vague intrigue décevante et pourtant extrêmement chronophage au cœur du film.
Mention spéciale pour le cast le plus étonnant et plaisant, c’est l’oscarisé Gary Oldman qui après avoir interprété Churchill incarne le président Truman, volant la vedette le temps d’une scène d’une amère beaufitide au pauvre Cillian, qui se répand rongé par les remords devant la figure du président, paternel et rédempteur, échange qui a réellement eu lieu, et qui crucifie définitivement en ce qui me concerne le pathétique génie d’oppi sur La Croix de sa propre vacuité. La scène étonnante et vive, préfigure 50 ans de politique militaro industrielle diabolique qui sera menée par la Maison Blanche. En quelque phrase, c’est le portrait de tous les présidents puritains toxiques, interchangeables, imperméables au doute et privés du moindre sens diplomatique, incapable de saisir leur propre cynisme ignare, de Eisenhower à Reagan, de Nixon à Trump.
Mais ces affaires de de gros missiles, cette domination masculine qui rime avec coût de la virilite (c’est chiffré, coucou Lucie Peytavin) n’est pas le sujet; et pourtant, malaise parceque tout ça…
...C’est sans parler des deux personnages féminins que je n’évoquerai même pas tant je respecte trop Nolan pour l’enterrer sur ce point. Mais à ce niveau on frôle quand même le male gaze neanderthalien gênant. Deux actrices brillantes sous exploitées, uniquement là pour donner une vague épaisseur émotionnelle a notre physicien sensible mais womanizer, poète mais quand même douteux…avec des back stories torchées, d’amante suicidaire délaissée/femme au foyer blessée… Christophe…enfin…là c’est non mon Chrichri. Dur de faire pire, on aurait préféré creuser ces relations intimes pour expliquer la dimension idéologique du communisme et ses contradictions de l’époque (guerre en Espagne, dictature, critique du capitalisme d’état US…), pour dresser le portrait d’un socialisme idéal, Rooseveltien, face à la répression aveugle de l’Amérique WASP impérialiste, plutôt que de pédaler dans la semoule avec cette histoire d’espionnage avortée qui ne mènera nulle part…
On se fait ainsi reservir le motif réchauffé, façon Inception, de la femme unidimensionelle qui hante l’inconscient du protagoniste, fantomette refoulée d’une honte inaugurale, culpabilité flottante de ses funèbres compromis. Enfer des bonnes intentions toussa toussa. Bref, c’est le re-, c’est le rere-, c’est le retour du refoulé.
Obsédé par l’ennui qui guette, le remplissage a tout prix pour créer du suspens en multipliant les personnages et les intrigues, ne rivalise en dernier lieu que par un dernier effort laborieux pour masquer l’absence d’enjeu qui souffle à vide sur les dernières braises du film, et ce pendant les deux dernières heures sans interruption: la musique omniprésente.
Envahissante, littéralement débordante, elle est de chaque plan, du close up dramatique au moindre plan d’ensemble descriptif. Et c’est là que comme pour les acteurs, une nerveuse frustration vous gagne, car, aussi belle que précise, jamais un seul thème ne s’attachera au personnage, déjà eux même sous caractérisés. Aucun motifs sonore ne viendra structurer les mouvements dû récits, à l’instar des cors déployés à chaque apparition In extremis du Dark Knight, ou de la tension electronique du Korg qui s’emballait progressivement dans Tenet…
Ici le soin absolu de Nolan pour le Sound design (son étape préférée selon lui) se noie avec le reste, dans une soupe originelle indifférenciée sur toute la durée du film, sans aucune respiration, esquissant un bricolage de tensions égales, de suspens forcé premier degré et permanent pour combler, comme le reste, les incertitudes d’un cinéaste trop inquiet de plaire pour aller à bout de son geste. Cosmétiques maquillant ses compromis d’écriture bancale.
Jonathan Nolan n’a plus écrit avec lui depuis le développement d’interstellar, au départ pour Spielberg. Le pire étant qu’à l’image, des interprètes et de la photo exceptionnelle du chef op, la BO est exceptionnellement riche et créative, vraiment marquante lors de l’explosion finale, malheureusement noyée par les errances d’un auteur qui parle d’intimité mais reste tétanisé par les corps, la nudité et la qualité de silence, syntaxe non verbale chargés qu’impose cet exercice complexe de filmer lerotisme…le champ contre champ entre Pugh et Murphy les jambes croisées dans leur fauteuil restera un face à face d’une fadeur et d’une froideur intellectuelle indigne du pire Emmanuelle, franchement y’a plus d’action en Ehpad (paraît-il, caliente). Passons, au final, ce Pauvre Gorànsson a probablement composé un chef d’œuvre électrique crépitant, à reécouter sans les images.
Coutumier du fait, Dark Knight rises et Tenet, dans une moindre mesure Inception, étaient déjà les talons d’Achille d’un cinéaste dont les troisièmes actes ont toujours été de laborieuses séquences de poursuites, éprouvantes, pour ne pas dire bâclées, over the top (souvent 20mn et plus chez Nolan), au prix d’un découpage parfois déroutant, coupable de son propre appétit mégalomane, souffrant d’un vrai épuisement sur une fin de tournage où clairement, le Guronsan, a pu.
Trois heures. Presque aussi long que cette critique qui n’en fini pas. Avec quoi on ressort concrètement de trois heures de dialogues non stop dans le labo le plus secret du monde? Rien. Quel personnage quelle idée gardera t on avec soi? Pourquoi cette impression de beaucoup de bruit pour rien, oui c’est une réf à Kenneth Branagh et son film éponyme qui a trente ans cette année, parce que chez lui au moins tout les acteurs laissent un souvenir marquant peu importe la durée de leur scène, ou quantité n’est pas sacrifiée à la qualité. (Faut dire qu’il avait un bon scénariste aussi. ) On est donc pas dans les proportions shakespeariennes folles dans lesquelles le sujet eschatologique aurait dû nous faire lentement, moralement, hypnotiquement mijoter, dans le chaudron bouillant de la fin de l’Histoire.
Avec la passionnante deconstruction d’archives d’Apocalypse, la série documentaire narrée par Mathieu Kassovitz, il concluait dans l’épisode final de 39-45 : à la veille de l’invasion du Japon par l’armée soviétique, Hiroshima fut à la fois la fin de la seconde guerre mondiale et le début d’une troisième. La guerre froide. Réalité tragique, la seconde bombe, 'Fat Man', n'a pas été lachée sur Nagasaki pour effrayer les japonais.
Il n’y a jamais eu de paix grâce à la bombe.
La rencontre entre le créateur et le destruteur de mondes est une déception confondante, un film identique à son protagoniste, samaritain famélique, démiurge paumé, surdoué dépassé. Les deux hommes sortent pourtant vainqueurs de leur exténuant combat mais sans prestige. 3h de bavardage pour donner l’alerte à ses contemporains, par le souvenir brûlant comme l’enfer de la menace nucléaire. Si la fin justifie les moyens s’avère être l’ultime mantra du savant pour se cacher, le final fait enfin tomber le masque d’oppenheimer. Face caméra, le regard bleu de Cillian Murphy perce notre âme, Oppie semble contempler au delà du temps, jusqu’à nous maintenant, le danger qui embrase à nouveau l’europe. Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.
L’art de Christophe sera-t-il un réveil pour la notre?
Comme l’air de Piaf qui résonnait pour signaler au personnages de se réveiller dans Inception, j’éntends Oppenheimer et Nolan fredonner tous les deux que non, rien de rien, ils ne regrettent rien. On aurait aimé pourtant qu’ils ouvrent les yeux avant qu’il ne soit trop tard - parcequ’il est temps de réaliser que l’un etait autant militaire que l’autre n’est scénariste.
Chris, vite, épargne nous, et fais la paix avec ton frère. En hommage aux oubliés de ce film ethnocentré, je vous laisse avec un haïku composé par celui qu'on a surnommé "l'homme le plus malchanceux du monde" :
Dans le grand Hiroshima
Ardent et rugissant
Pointe l’aube et vient vers moi
Un radeau humain
Charrié par le fleuve.
-
Tsutomu Yamaguchi est le seul homme à avoir survécu aux deux bombardements. Il écrit un livre («Nagasaki-Hiroshima: deux fois atomisé»), et se rend dans les lycées pour transmettre la mémoire de cette horreur aux jeunes générations. A la tribune de l'ONU en 2006, il appelle à l'abolition des armes nucléaires. Il fait l'objet d'un film de James Cameron qu'il rencontra. «Ma mission est terminée», avait-il alors déclaré à l'issue de l'entretien.
Jeu bonus.
Si vous aussi vous êtes sorti de cette séance mi soporifique mi hypnotique avec un goût de tout ça pour rien, consolez-vous avec la méconnue mais captivante serie Manatthan (2 saisons) et son mémorable final. C’est du sfx numérique, mais là au moins c’est de la vraie bombe atomique. Peu probable que ce soit une coïncidenc vu les combines cinéphiles de Christopher Nolan (repêcher McConaughey qui jouait dans deja dans Contact, dont Interstellar est un -semi- remake par exemple), un acteur de la série joue aussi dans Oppi...saurez-vous le retrouver?