"Maintenant, je suis devenu la mort, le destructeur des mondes." dixit le père de la bombe nucléaire, le physicien américain Robert Oppenheimer, lorsqu'il a assisté à la première explosion atomique de l'histoire, le 16 juillet 1945, au Nouveau-Mexique. Il l'avait bien compris : l'humanité venait d'entrer dans une nouvelle ère, celle de sa possible autodestruction.
Le nouveau biopic de Nolan prend donc une tournure tragique et saisissante. Certes moins spectaculaire que Dunkerque ou Tenet, Oppenheimer n'en demeure pas moins un film flamboyant de plus de 3 heures focalisé sur le célèbre physicien incarné par un excellent Cillian Murphy. Durant tout le film on est sans cesse pris dans l'étau d'un personnage tourmenté par ses dilemmes moraux.
C'est aussi un film de procès puisque que l'on est en plein dans le mythe de Prométhée. Nolan nous montre comment Oppenheimer s'empare du feu, puissance destructrice pour le donner aux hommes malgré les risques. Et puis il nous montre aussi le châtiment lorsque plutôt que de se faire dévorer le foie par un aigle pour l'éternité le scientifique se voit reprocher ses anciennes affinités communistes par le FBI. On est en plein dans le maccarthysme. En effet Nolan ne se contente pas de relater la création de l'arme nucléaire mais il dresse également un portrait macabre d'une Amérique gangrenée par la peur du communisme et par des politiciens résolument égoïstes. Aussi il est très intéressant de remarquer que Nolan fait le choix de ne pas nous montrer l'explosion mortifère. Le spectateur n'a le droit qu'à des chiffres et a des visions d'horreurs d'Oppenheimer. Les scientifiques semblent vouloir fuir leur responsabilité : ce n'est pas eux qui ont appuyé sur le bouton. Pourtant Oppenheimer est bien rongé par la culpabilité et le sera pour le restant de ses jours.
Côté mise en scène, comme a son habitude Nolan ne nous déçoit pas. Le film est absolument grandiose : Les scènes aériennes dans le désert du New Mexique, la bande originale de Ludwig Göransson... Certes certains pourraient penser que la musique est trop forte presque assourdissante si bien qu'elle nous empêche même parfois d'entendre les dialogues. Mais on comprend en réalité cette saturation de l'espace sonore par Nolan puisque lorsque la première bombe nucléaire de l'histoire explose, il nous plonge dans un silence absolu. Ce qui fait les plus grands films c'est sûrement ces scenes qui nous ont marquées et dont on se souvient des années après. Celle-la mérite entièrement sa place. Nolan joue également avec les couleurs, ils s'appuie sur des tons plutôt chauds qui nous rappelle le feu. Mais ce qui est passionnant c'est l'alternance entre la vie d'Oppenheimer (filmée en couleur) et la vision de ses pourfendeurs ( filmée en N&B).
Aussi comme toujours les détracteurs du réalisateur s'accordent à dire que celui ci manque de pédagogie mais je ne suis pas d'accord. Quand on va voir un film de Nolan on sait a quoi s'attendre : il faut se concentrer (quoique on est pas non plus en train d'écouter une conférence sur les interactions gravitationnelles ;) )...
Évidemment Oppenheimer n'est pas parfait. Je ne suis personnellement pas un grand fan des scènes presque épileptique des atomes en interaction qui montrent l'esprit tourmenté du savant. Et on pourrait reprocher à Nolan des personnages parfois mal écrit et trop au second plan. Cependant Oppenheimer demeure un excellent film qui depeint les prémices de la guerre froide et comment des épisodes comme la crise de Cuba en 62 ont pu avoir lieu. C'est un film qui résonne dans notre société actuelle où la dissuasion nucléaire est omniprésente.
En somme un film explosif qu'il faut aller voir !
-Maxime ELEK