La violence, au cinéma, revêt potentiellement plusieurs rôles. Celui de susciter la jouissance, ou au contraire le dégoût, elle peut constituer une remise en cause des impératifs moraux, ou encore être politique. Et le film dont je parle aujourd’hui, c’est un peu tout ça à la fois. Oranges Sanguines est une comédie méchante, mais pas méchante comme pourrait l’être un film comme Le Prénom, où la violence sert à traiter un groupe social fictif et précis. La violence, dans Oranges Sanguines, elle touche tout, tout le monde, mais, bien loin de taper dans l’eau à force de ne pas trouver de cible, elle finit par devenir la flamme d’un brûlot social ahurissant, qui se fait appeler comédie mais qui, en vérité, s’approche plus du drame cynique qu’autre chose. Glissant de l’immoralité dans l’amoralité et l’anarchie, avant de nous faire remarquer, si on a le malheur de se plaindre, qu’on s’y trouvait déjà, bien avant que le film commence. Parce qu’Oranges Sanguines, plus que méchant, c’est infâme dans ce que ça montre, dans ce que ça dénonce, comme ce couple de vieux pris à la gorge. Et même si c’est toujours mordant jusque dans les dernières extrémités, même si c’est toujours extrêmement drôle, il est dur de n’être pas triste face aux réalités sociales que le film montre, dénonce, ou moque. Et c’est là la grande force du film (soulevée à bout de bras par des comédiens tous formidables), celle de faire de la politique avec de la comédie très noire, de faire éprouver des émotions immensément variées en restant uniquement sur un registre comique. Et ça, je ne l’avais, je crois, jamais vu. Alors, quitte à détester un peu le monde entier en en revenant, il faut, je crois, tenter cette expérience.