Le mauvais goût, cela s'assume et ne pas plaire à tout le monde doit faire partie du projet. Les films du calibre d'Oranges sanguines sont rares dans un cinéma français qui ne dévie que trop rarement du politiquement correct. Tout n'est cependant pas juteux dans le long-métrage de Jean-Christophe Meurisse, surtout dans sa deuxième partie qui joue un peu trop visiblement la surenchère, l'air de dire "nous sommes capables d'aller très loin pour vous choquer." De cela, impossible d'en douter, et l'on préférera les scènes les moins spectaculaires d'Oranges sanguines qui sont aussi les plus percutantes et les plus pertinentes pour radiographier une France bien mal en point. Certes, le film verse parfois dans la démagogie (le politicien, le chauffeur de taxi) mais c'est pour la bonne cause d'un récit bien décidé à montrer des affreux, des sales et des méchants, et aussi quelques innocents, avec une verve caustique qui ne se fixe guère de limites. La construction du film en histoires parallèles aux liens plus ou moins tissés est une réussite et ne ressemble jamais à une enfilade de sketches. En revanche, la mise en scène reste plutôt sage, un peu de flamboyance aurait donné encore plus de couleurs mais ce n'est pas Orange mécanique, évidemment. Le film est à voir aussi pour l'interprétation (pas nécessairement celle des guests) et la spontanéité de dialogues qui sonnent vrai (le jury de la compétition de danse), un peu comme chez Lelouch, bizarrement (oups). Avec tout cela sur son porte-bagage, Oranges sanguines va nécessairement diviser les spectateurs et devenir, c'est inéluctable, un objet de culte. Amen.