Le titre original est "Verboten" ; il a l'avantage sur le titre compliqué imaginé par nos (inénarrables) distributeurs français d'être plus court …
Donc "Verboten" est un film américain signé par Samuel Fuller en 1959 qui a un grand intérêt, quelques qualités et pas mal de défauts … C'est une série B qui fait 86 minutes et a manifestement été tournée avec des moyens réduits.
Le grand intérêt, c'est de parler de quelque chose que je ne connaissais pas. Himmler et Goebbels, voyant la débâcle arriver en septembre 1944 alors que les troupes alliées pénétraient le territoire allemand, ont créé avec des jeunes des Hitlerjugend des groupuscules Werwolf (Loups garous) chargés d'actions de sabotage derrière les lignes alliées. Actions de sabotage mais aussi d'exfiltration des dignitaires nazis …
L'autre sujet intéressant est la vision de la part des américains du comportement de la population allemande vis-à-vis des alliés, libérateurs pour certains, occupants pour d'autres. Avec tout ce que cela peut comporter d'ambiguïtés et de positions intermédiaires. Je dois dire que ce sujet est traité de façon assez cash et sans trop de nuances.
Cela est illustré par l'histoire du soldat David, blessé durant l'attaque qui est caché et soigné par une jeune allemande, Helga. Evidemment, il tombera amoureux d'Helga, l'épousera mais ignorera que son beau-frère, Frantz, et un ami d'Helga sont membres des Werwolf. Même le personnage d'Helga porte une certaine part d'ambiguïté dans son opportunisme face à l'américain.
On voit que Samuel Fuller est beaucoup plus à l'aise dans les scènes d'action ou de guerre. Ainsi les scènes de début et de fin du film sont rondement menées. Rythmées par une Vème symphonie de Beethoven …
D'ailleurs, la musique deviendra wagnérienne vers la fin avec la "chevauchée des Walkyries" et on aura même droit à un court extrait de Tristan …
Ça, c'était les points positifs du film. Parce qu'ensuite, l'ami Fuller a un peu joué de facilité dans le scénario. Par exemple, Helga emmène son frère au procès de Nuremberg pour qu'il se rende compte des ignominies perpétrées par les nazis. Et très rapidement, il éclate en sanglots car il découvre. Le voilà donc dénazifié après une séance … Ok, l'intention est bonne, bien sûr mais ça procède un peu par l'utilisation de très grosses ficelles … Et Fuller ne s'est pas trop cassé la tête car il a directement intégré des images d'archives du procès …
Un autre point, pas très grave en soi, qui aurait mérité d'être un peu plus travaillé, c'est l'utilisation des langues qui est un peu aléatoire : deux allemands parlent parfois en allemand, parfois en anglais entre eux.
Donc au final, "Verboten" est un film (à moyens très limités) globalement intéressant qui en dit long sur le machiavélisme au long cours des nazis qui n'hésitent pas à organiser et penser l'après défaite.