Il fallait que j'en aie le cœur net : quel était donc ce film mystérieux dont ma mère parlait régulièrement, elle qui n'use que rarement de références cinématographiques à l'heure d'illustrer ses propos ? Tonnerre Culture en a organisé la projection au cinéma hier soir, l'occasion était trop belle. Malgré tout, il me manque un morceau de l'histoire d'une taille indéterminée car... j'ai piqué du nez ! Première fois de ma vie, et, le comble, sur des morceaux de samba tonitruants ! Il faut élucider cette énigme. Comment ce film culte et multiprimé a-t-il pu réaliser cet exploit ? La première partie saute pourtant aux yeux et aux oreilles sans ménagement : des comédiens au jeu plutôt grossier piaillent des répliques pas franchement mémorables à longueur de plans, pour couvrir les rythmes endiablés qui résonnent en permanence en fond sonore. J'aurais dû avoir les nerfs en pelote. Mais mon cerveau a plutôt décidé de tirer le rideau pour s'éviter une trop long épreuve. Bref, quand j'ai émergé, Orfeu et Euridyce étaient dans les bras l'un de l'autre et s'engageaient dans cette malheureuse idylle qui allait mener inexorablement à leur perte. Il faut avouer que la toute fin, pendant le carnaval, m'a tenue en haleine; non pas vraiment en raison de l'insoutenable suspense - on savait tous bien vers quoi on s'acheminait résolument - mais plutôt en raison d'une réalisation assez brillante et de trouvailles scénaristiques astucieuses. Les mâchoires du Destin se referment sur le jeune couple pendant que la ville sombre dans une sorte de transe frénétique; ils sont tous là, Hermès, Cerbère, la Mort, incarnés avec à la fois fantaisie et réalisme par des personnages banals plongés dans la folie du Carnaval, tandis que la police tente vainement de maintenir un semblant d'ordre dans la cité livrée à la samba. En résumé, un bilan mitigé, mais pas aussi négatif que j'aurais pu le penser du premier film de ma vie qui m'a produit l'effet d'un documentaire sur la bonne de Proust...