Orfeu Negro est une véritable expérience visuelle et sonore durant laquelle on se surprend à taper du pied et à hocher de la tête sourire aux lèvres ! Palme d'or au Festival de Cannes et Oscar du meilleur film étranger, ce film de Marcel Camus qui révéla la musique brésilienne au monde entier est à redécouvrir absolument, dans une belle version 4K.
Au premier abord, adapter le Mythe d'Orphée dans le Brésil des années 1950, en plein carnaval, peut sembler un choix bien singulier. Mais à y regarder de plus près, Orphée, selon la légende, était un poète-musicien, volontiers séducteur, qui œuvrait lors de fêtes dionysiaques. C'est d'ailleurs un brésilien, Vinicius de Moraes, qui eut l'idée de cette transposition une nuit de carnaval en 1942. Considéré comme un des fondateurs de la bossa-nova, il en tira une pièce de théâtre musicale qui fut jouée à Rio bien plus tard en 1956. Egalement diplomate, le dramaturge rencontra le producteur Sacha Gordine à Paris, et le projet d'en faire un film se mit en place. Marcel Camus, qui venait de réaliser Mort en fraude, film se déroulant en Indochine et censuré pour son anticolonialisme, accepta volontiers. En effet, le mythe d'Orphée avait alors un certain retentissement en France suite aux films de Cocteau ou aux poèmes d'Apollinaire, et lui-même pratiquait l'orphisme, religion obscure s'il en est.
Véritable succès mondial, Orfeu Negro remporta les plus belles récompenses (Oscar, Palme d'or, Golden globe) de par sa qualité intrinsèque, mais également de par le contexte d'alors marqué par la lutte des Droits civiques aux USA, ou à la décolonisation et notamment la Guerre d'Algérie. Camus prit ainsi le parti de faire tourner principalement des acteurs noirs, la plupart amateurs, dans son film, ce qui donna un aspect politique certain à l'œuvre et contribua sans doute à son succès.
SAMBA !
L'une des raisons du triomphe cannois (le film gagna devant Les 400 coups de Truffaut ou Hiroshima, mon amour de Resnais) réside aussi dans la musicalité du film. D'ailleurs, le film fut diffusé sur la croisette en VO... sans sous-titres ! Il faut dire que Camus a ici le privilège d'être entouré de trois des pères fondateurs de la bossa nova : Vinicius de Moraes au scénario, ainsi qu'Antônio Carlos Jobim et Luiz Bonfá à la B.O.
Le spectateur se retrouve ainsi embarqué dans un film où la musique ne cessera pratiquement jamais. Tantôt discrète et mélancolique lors de balades à la guitare permettant de réveiller le soleil (!), tantôt fracassante et percussive lors de la déambulation du carnaval. La macumba, genre hérité des esclaves africains, s'invite aussi à la danse lors d'une scène de transe aussi surprenant que véridique, cette pratique ayant encore lieu de nos jours, dans le but de rentrer en contact avec les esprits des personnes disparues...
Il est intéressant de constater que le genre bossa, qu'on ne nommait pas encore ainsi à l'époque, était justement en pleine construction et que le film lui fit une publicité providentielle. D'ailleurs, les chansons du film devinrent des standards de la bossa, mais également du jazz et de la chanson populaire. En atteste par exemple une version française de La Chanson d'Orphée, dès 1959, d'une certaine Dalida !
En somme...
(Retrouvez l'intégralité de la critique consacrée à l'édition Blu Ray-dvd de Potemkine Films ainsi que l'évaluation de la partie technique par ici : http://www.regard-critique.fr/rdvd/critique.php?ID=6559)
La BO : https://youtu.be/W-o0u6jENbs?list=OLAK5uy_mS9fJpJlnj23t6SbzW5mx_oMFB7VbYaD0