Une fois le dernier plan, d'une froideur exemplaire achevé et que le noir, violent et intrusif, prend possession de notre écran, on ne sait alors trop que penser...
Etait-ce passionnant ou parfaitement chiant ? Etait-ce stylistiquement d'une platitude et d'une impersonnalité totale où le fruit d'un travail exemplaire de le part d'un jeune réalisateur bien digne de sa génération ? Ai-je aimé ce/ces personnage(s) ? L'/les ai-je haï ?
Tout est bousculé. On ne sait dire ce qu'on a vu. On a suivi au plus près pendant une heure et demie un personnage qui quelques minutes auparavant nous était parfaitement étranger et qui s'est révélé être soudainement comme un ami toujours connu.
On le connait Anders.
On le connaît bien.
Bien trop.
S'il est vrai que l'exercice est réussi (on reste en haleine durant 1h30 malgré des scènes pas évidentes et des dialogues totalement étrangers), on reste très souvent sur le carreau, délaissés et pourtant pleinement engagés dans une vie qu'on ne connait pas.
Double jeu d'intrusion. Anders nous colle à la peau, sa vie s'immisce dans la notre sans notre bon vouloir. On est agressé par ce destin tragique qui nous est imposé.
Et pourtant c'est nous qui demeurons les plus gros intrus. Grâce à la caméra solide qui jongle entre gros plans vivants et rapprochés, au plus près des corps, des mots et des regards et longs travellings distanciés et froids, on se fait témoin involontaire et presque voyeurs de la descente aux enfers de cet homme.
Démarche obsédante qui nous place dans une situation bien délicate. Car si on est étonnamment intéressé par cette histoire, elle n'en demeure pas moins inintéressante et bien loin de notre personne.
A la fin du film on a envie de se dire : "Très bien mais à quoi bon tout ça ?"
A quoi bon nous montrer cette vie brisée ?
A QUOI BON ?
Car si Anders se demande "A quoi bon vivre ?" notre question serait plutôt "A quoi bon regarder ça ?"
Qu'il y a t-il d’intéressant à admirer une jeunesse qui n'en est d’ailleurs plus trop une, se perdre dans une débauche recherchée, une complaisance presque troublante dans le désorganisé le foutraque ?
On en vient presque à se dire que la fin du héros, s'il peut être considéré ainsi, est purement méritée, que le spectacle de trentenaires fêtards et peu mûrs, drogués et énamourés de n'importe qui est d'une tristesse et d'un ridicule affligeant.
Si bien qu'au final le film se fait cruel, cruel de nous imposer à porter un jugement qu'il est tout autant sur une réalité pitoyable de notre temps.