Label provoc
Pour les amateurs de l’agent le plus beauf de France, le retour aux affaires ne pouvait que réjouir, et il n’y avait pas trop à craindre de voir Nicolas Bedos prendre le relai de Michel Hazanivicius...
le 4 août 2021
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Le titre annonce déjà la couleur si j'ose dire, déjà une blague en lui-même, comme c'était le cas dans le premier volet avec les "Rouges", les "Jaunes". Le sujet est particulièrement casse gueule et beaucoup plus sensible probablement qu'il y a douze ans et que dans les années 80 que le film pastiche de long en large.
Mais Nicolas Bedos, sur ce point, ne se manque pas. Il ose pousser le racisme décomplexé de son personnage flirtant avec le colonialisme bon teint, le rendant si risible et appuyé qu'il en devient loufoque et absurde, l'inverse du très premier degré Tintin au Congo, référence citée dans le film, au second degré. Il faut dire que le réalisateur a repris le même scénariste que les deux précédents opus qui continue d'imposer sa patte mi-désuete, mi-réac, mi-absurde sur le film.
Dujardin est toujours aussi convaincant dans son rôle même s'il fait d'OSS un personnage usé, vieillissant, toujours aussi beauf et flambeur, pour ne pas dire idiot, mais un peu triste et dépassé. Cela est d'ailleurs concomitant au personnage de 007, qu'on a confronté dans la franchise des James Bond à la vieillesse également. Pour souligner cela, OSS 117 est affublé d'un acolyte, OSS 1001, Pierre Niney, qui cabotine encore plus que Dujardin, prenant visiblement un certain plaisir à incarner un personnage de cette saga, passage de flambeau entre deux générations d'acteurs : "les légendes" contre les mecs "cool". Cela contribue, peut-être à appuyer trop les effets que le film cherche à produire. Ainsi, pour montrer la mysogynie d'OSS, Bedos laisse se dérouler une longue séance de tape sur les fesses et de compliments machistes, pour ridiculiser le personnage, qui est pourtant déjà ridicule en soi. Comme s'il fallait absolument que la tape sur les fesses ne soit pas le geste misogyne banal, anodin, qu'elle est. Mais qu'on voit à quel point le patriarcat incarné par OSS est nocif et ridicule. Puis, Bedos humilie OSS 117 en le rendant impuissant auprès d'une femme, comme si besoin était, d'enfoncer le clou de son propre cercueil. A l'inverse, il fait de Niney l'espion lisse et parfait et par là-même insupportable. Ainsi, lorsque Niney disparait de l'écran, on est ravi de retrouver ce bon vieux Hub. Le personnage de Niney est cependant plus problématique dans sa construction puisque sa perfection morale et professionnelle se heurte à l'immoralité de la mission des agents : maintenir un simili Bokassa au pouvoir, dictateur haut en couleurs et assez comique par ailleurs, là où OSS 117 lui est à fond pour la dictature et la France. A la fin ce sont les méchants qui gagnent : les rebelles sont écrasés, grâce à la France, et la France-Afrique, si j'ose dire, est sauve, ce qui est un peu en porte à faux avec le progressisme des antagonistes du film (Niney en est, la leader rebelle en est une autre). C'est le vieux monde qui triomphe, c'est OSS 117 qui revient en force.
Tout d'ailleurs fait référence dans le film à cette période trouble de l'histoire de France : les années Giscard, dont on voit le portrait s'afficher de manière loufoque sur le dos d'une femme nue dans le générique, au demeurant superbe. Le propos est encore une fois souligné de manière plus appuyée que les deux précédents volets, plus ambigües, car il y a un décalage réel de valeur entre OSS 117, son supérieur, le dictateur, et Pierre Niney et la leader des rebelles, progressistes. Bedos cherche à appuyer ici son effet, cela fonctionne, mais un peu lourdement. Les réflexions d'OSS 117 et de son supérieur au sujet de "Mittrand", ce possible socialiste aux portes du pouvoir, sont à ce sujet truculentes et au demeurant véritables, puisqu'elles existaient avant son arrivée effectives au pouvoir.
OSS 117 est plus ringard que jamais : impuissant, placardisé dans le premier tiers du film, avant de retrouver toute sa superbe, surtout lorsqu'il pense, à la mère patrie. Bedos oscille entre la critique premier degré de ce que ce personnage est réellement, un type réac et conservateur pro colonie, et l'excuse, à cause de l'icône qu'il est : le voilà qui a une relation amoureuse avec une femme noire, preuve qu'il n'est peut-être pas si raciste que cela, ou raciste malgré lui, ou bien est-ce plutôt la France, dont il est l'incarnation, qui est raciste. Cela brouille quelque peu les pistes.
Pour le reste, la mise en scène est efficace : plus enlevée que les précédents opus, bourrée d'actions, de décors variés dans l'Afrique Noire, avec l'utilisation du rouge et du noir. On retrouve des effets cartoonesques, des plans improbables, du kitsch, du mauvais goûts presque, tout ce qui fait le sel de la saga. Sans innover, Bedos pastiche les vieux James Bond avec efficacité, comme en témoigne l'efficace introduction dans l'Afghanistan soviétique, totalement dans le thème. Mais le reste de l'intrigue est moins fourni, plus décousu, le premier tiers étant sans colonne vertébrale et la fin n'en étant pas vraiment une. L'intrigue est une succession de sketch, parfois réussis, parfois moins, plus qu'une véritable parodie de film d'espionnage.
C'est un peu la mise à mort de ce type d'humour et de film. Ce troisième volet montre une franchise abimée, vieillie. L'humour qui y est présenté est plus difficile que jamais à assumer (suffit de voir les critiques très premier degré du film). Tout le monde en prend pour son grade. Bedos fait moins rire, sans jamais être dans la catastrophe. Bedos fait moins bien, sans jamais être ridicule. Il propose une fin ouverte pour une suite. On est prêt à reprendre un petit coup de poliche comme dirait Hubert Bonisseur de la Bath mais à quel prix, celui d'un affadissement progressif d'une saga mythique. L'humour passe, sans transcender, les sketchs se succèdent, sans révolutionner. OSS 117 n'est plus tellement une licence subversive, qu'une licence pour papas, âge désormais des premiers fans de la trilogie. On appréciera toujours cependant la bêtise légendaire et les saillies drolatiques d'OSS 117, "sacré Hubert, toujours le mot pour rire".
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Créée
le 9 août 2021
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Faire une suite à un diptyque désormais culte a tout du projet casse-gueule. D’autant que Michel Hazanavicius est parti et que c’est Nicolas Bedos aux commandes. Certes, ce dernier a fait ses preuves...
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