Il y a des fins de filmographies difficiles, et celle de Sam Peckinpah est particulièrement douloureuse tant elle se termine sur une note fade, d'une fadeur incroyable au regard du reste de sa carrière et de ses nombreux éclats. La mélancolie et la tristesse qui se seront dégagées de nombre de ses œuvres ont finit par prendre une dimension extra-diégétique en s'appliquant au film lui-même et non aux émotions véhiculées par son contenu. Misère, misère...
Osterman Week-end, si l'on se tient à un premier niveau de lecture, est tout de même une œuvre globalement inintéressante, un de ces thrillers quelconques dont les années 80 nous irriguent de manière continue, en plus du cachet esthétique facilement identifiable. La trame narrative a beau être très touffue, avec plusieurs niveaux de manipulations et de vrais faux mensonges, le fond de l'affaire n'est pas des plus passionnants. Le film ne parvient pas à l'alimenter correctement en tension et la réunion de plusieurs personnages dans la maison de l'un deux, le temps d'un weekend sur fond d'espionnage et de peurs d'une infiltration communiste, ne produit pas la réaction explosive que le cocktail laissait supposer. Même le casting impressionnant rassemblant Rutger Hauer, John Hurt, Dennis Hopper et Burt Lancaster ne suffit pas — et c'est là presque un exploit. Le jeu de massacre reste vain, la sauce ne prend pas, et l'ensemble flirte dangereusement avec le téléfilm érotique marqué au fer rouge de sa décennie.
Le film est sans doute un peu en avance sur son temps, dans son explicitation du pouvoir de contrôle offert par la technologie et tout les détournements qu'elle rend possible : manipulation de photographies et de films, caméras incrustées dans tous les recoins d'une maison (donnant lieu à quelques fous rires, les monteurs ayant oublié qu'on ne pouvait pas faire n'importe quoi avec la vidéo issue d'une caméra de surveillance), et multiplication des écrans à foison. Mais John Hurt n'est clairement pas le Docteur Mabuse, le célèbre personnage des trois films de Fritz Lang dans les années 20, 30 (ici) et 60 (là). La manipulation des images fait ici plutôt office d'écran de fumée que de véritable analyse sociétale.
Ce premier niveau tentant de jouer sur une inversion constante des rôles, sur l'arroseur arrosé, le manipulateur manipulé, ne fonctionne pas. Certaines répliques tombent à l'eau, à l'instar de celle-ci proférée par le personnage de Hurt : "Think of them (les amis du protagoniste) as fleas on a dog hit by a car driven by a drunken teenager whose girlfriend just gave him the clap. It will help you sense of perspective." Le final déclamé par Rutger Hauer, à travers un écran de télévision, ne produit pas l'électrochoc tant souhaité : "What you've just witnessed is, in many ways, a life-sized video game. You saw a liar talk to a killer and you couldn't tell them apart. But hey, it's only television. As you may know, television programs are just the filler between attempts to steal your money. So if you want to save some, turn me off. It's a simple movement, done with the hand and what is left of your free will. The moment is now. My bet is you can't do it. But go ahead and try."
On peut certes, à l'instar de personnalités comme Jean-Baptiste Thoret, y voir un aveu d'impuissance de la part de Peckinpah, à la fin de sa carrière marquée par la maladie et par une série d'échecs, entérinant le fait qu'il n'a plus sa place dans le cinéma des années 80, celui des héros "positifs", très loin des anti-héros qui ont caractérisé son cinéma. Osterman Week-end est sous certains aspects une caricature de ce qui faisait en partie le sel de son style (la course-poursuite et les ralentis utilisés sont un effroyable ratage), proche de la parodie, et se termine en effet sur l'image d'un fauteuil vide. Le sien, à n'en pas douter.
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