Nomadland à quai
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Quand les touristes attendent tranquillement que l’Escalator les dépose au pied du ferry, une poignée de personnes en gilet orange gravissent, en sens inverse et au pas de charge, un immense escalier. La scène est la même à chaque débarquement. Mais personne ne prête attention à ces invisibles venues récurer, en quatre minutes chrono chacune, les 230 cabines du paquebot qui relie, plusieurs fois par jour, Ouistreham (Calvados) à Portsmouth, en Angleterre.
Parmi cette équipe, Marianne Winckler (Juliette Binoche), quinqua aux traits creusés par les réveils matinaux et les horaires décalés, astique les toilettes et fait des lits à la chaîne. Comme tout le monde. À la différence près qu’elle n’est pas femme de ménage, mais écrivaine. Si elle est ici incognito, c’est pour vivre la vie de ces précaires « qui courent après les heures de ménage », sujet de son prochain livre. Contrairement à ses collègues, Marianne sait qu’elle a une porte de sortie.
Avant que Ouistreham, présenté en ouverture de la Quinzaine des réalisateurs, ne devienne un film d’Emmanuel Carrère, il y a une enquête en immersion signée par la journaliste Florence Aubenas, le Quai de Ouistreham (2010). Le récit de six mois passés près de Caen pour documenter, les mains dans la cuvette, le quotidien de celles et ceux qui, enchaînant les petits boulots, ont subi de plein fouet la crise de 2008.
Mais, bien qu’entrant facilement dans le genre du « drame social », notamment avec une scène d’ouverture à Pôle emploi qui n’est pas sans rappeler Moi, Daniel Blake, la palme d’or de Ken Loach, le film de Carrère est moins sociologique que fictionnel. En témoigne l’ajout de quelques nouvelles scènes parfois dispensables. Une façon au mieux maladroite pour l’auteur de Limonov et de l’Adversaire de mettre au cœur de cette version sa grande obsession : le mensonge. Et, par extension, la duplicité d’une Parisienne bourgeoise au milieu d’une sorte de safari social pourtant nécessaire. Une note d’intention assumée dans le titre anglais – Between two Worlds – qui signifie Entre deux mondes.
Emmanuel Carrère ne s’éparpille donc pas dans une galerie de portraits. Il se focalise sur la relation amicale, empreinte de trahison, entre Marianne et Christèle qui passent du « vous » au « tu » en une coupe. Un choix judicieux tant il met en valeur la force fragile d’Hélène Lambert, interprète non professionnelle de cette mère célibataire de trois enfants pour qui chaque centime compte, dont on se souviendra longtemps.
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Créée
le 19 sept. 2021
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