Après avoir regardé les 8 parties de ce film de 12h30 et le documentaire d'1h50 qui l'accompagnait, j'ai vraiment besoin de partager mon ressenti sur ce que je viens de voir.
Il faut tout d'abord savoir que tout le film est improvisé. Aucun scénario n'a été écrit avant le tournage. Tout au plus Jacques Rivette avait-il l'idée d'une intrigue tournant autour de l'Histoire des Treize de Balzac. Malheureusement pour le spectateur, cet embryon d'intrigue ne se développe réellement jamais. Quelques bizarreries sonnant comme des contradictions s'incrustent même par-ci par-là.
Mais alors s'il n'y a pas d'intrigue, que se passe-t-il pendant 12h30 ? Nous suivons deux troupes de théâtre qui pratiquent d'étranges exercices, Frédérique, une jeune femme qui vole de l'argent aux personnes qu'elle croise, ainsi que Colin, jeune sourd-muet pas si sourd-muet que ça qui part en quête d'un groupe mystérieux après avoir reçu d'étranges messages.
Les exercices des deux troupes donnent lieu à des séquences interminables qui ont mis mes nerfs à rude épreuve jusqu'à ce que je me résolve à les regarder en accéléré (au bout de 4 épisodes, quand même !). Ils crient, se roulent par terre, déclament des vers en articulant n'importe comment et parfois tout ça en même temps et en chœur.
Le personnage de Frédérique contribue également à crisper le spectateur tant sa bêtise, son ton tantôt arrogant tantôt faussement naïf et son comportement la rendent antipathique. Sa seule séquence plaisante est celle où elle se fait traiter comme de la merde par une avocate à qui elle essaye d'extorquer de l'argent.
Quant au personnage de Colin, il n'apporte malheureusement pas grand chose à l'intrigue alors qu'il aurait pu en être le moteur. Son enquête patine et tout le monde lui ment, si bien qu'on finit par se résigner à le regarder faire du surplace. J'aime beaucoup Jean-Pierre Léaud et bien qu'il soit très à l'aise dans cet exercice d'improvisation, je trouve frustrant que son immense potentiel soit restreint dans la boucle infinie où il se retrouve coincé.
Au fil du film, ces personnages se croisent, parfois juste un instant, et des personnages secondaires les rejoignent. C'est alors l'occasion pour eux d'échanger des dialogues creux et sans intérêt qui peuvent parfois tourner en rond très longtemps si l'impro ne prend pas. Rivette a d'ailleurs choisi de conserver tous les accidents de tournage dans le montage final.
Sur un long métrage d'1h30, tout cela serait assez désagréable mais sur 12h30, c'est éprouvant. Malgré tout, je ne peux pas détester ce film et lui mettre moins de 4. Déjà parce que l'image 16 mm restaurée est somptueuse. Le chef opérateur a beaucoup de mérite. Ensuite parce que ça reste un objet très expérimental, totalement improvisé, avec beaucoup de plans séquences. Jacques Rivette a fait preuve d'une grande audace en se lançant dans ce projet qui n'a pas d’équivalent aujourd'hui encore (à ma connaissance) et rien que pour ça, je suis content qu'Out 1 existe et ait été restauré puis édité en Blu-ray chez Carlotta.
Il est possible qu'Out 1 continue de me trotter dans la tête pendant un moment. Je reste par ailleurs curieux de savoir à quoi ressemble le montage de 4h15, mais je vais d'abord prendre le temps de digérer la version complète.