À l'époque où débute la première guerre mondiale, Karen Blixen, jeune et séduisante aristocrate danoise a pour amant Thomas Dinesen. Malheureusement celui-ci n'envisage pas du tout de vivre avec Karen. C'est alors qu'elle décide d'épouser le frère de Berkeley Cole, le Baron Bror Brixen, homme quelque peu volage, endetté, intéressé par l'argent et sans grande envergure. Pour cette occasion notre future Baronne prend la mer pour le Kenya, alors colonie anglaise, afin de célébrer les noces et bien sûr y vivre. Karen finit par être conquise par cette terre et se rapproche des habitants de son village, autant qu'elle s'éloigne du Baron de plus en plus absent. Sur ordre de son époux, Karen, propriétaire d'une ferme, s'acharne à faire pousser du café malgré une maladie qui la tenaille, dans une nature hostile à ce genre de plantation,cherchant à protéger la tribu vivant sur ces terres occupées par les anglais. Avec le concours des villageois, l'entreprise réussit et s'avère rentable. C'est alors, que délaissée par son mari, Karen va faire la connaissance et tomber follement amoureuse d'un chasseur, Denys, homme épris de liberté et d'espace...
C'est un formidable portait de femme volontaire, intrépide mais aussi sensible et amoureuse que nous offre Sydney Pollack. Il nous raconte à travers une épopée invraisemblable le destin d'une aristocrate danoise que rien ne préparait à un tel destin. Elle prend fait et cause pour les tribus afin qu'elles conservent leurs terres, malgré l'hostilité de certains coloniaux. Elle qui ne peut avoir d'enfant s'attache à la santé et à l'éducation de ceux de son village. Elle se donne entièrement à la vie des autres, elle qui n'attend plus rien de son époux. Et puis un autre homme apparaît, aventurier, fataliste, croquant la vie au jour le jour et vivant avec la nature. Lui ne peut être que sincère car il ne calcule pas. C'est alors une passion que va vivre Karen, sa vie de femme prend enfin son envol. Cette passion nous entraîne dans un final poignant et symbolique.
C'est vrai, le film décrit cette société dominante de l'époque coloniale avec ses privilèges, son insouciance, parfois son dédain mais aussi ses craintes et ses conflits internes notamment à propos de la guerre avec l'Allemagne.Toutefois le réalisateur a le ton juste et évite les clichés parfois faciles sur ces évènements pour centrer l'intrigue sur la double passion de Karen pour l'Afrique et Denys. Une phrase merveilleuse de Karen résume cette passion pour l'homme qui enfin la respecte et se montre sincère envers elle: "Si dans ce moment, vous me disiez quelque chose, je le croirais". A l'image de cette réplique, le scénario de ce film est brillant et émouvant. La voix cassée et las de la vie de Karen, au soir de son existence, ponctuant les principaux "épisodes" de son histoire tourmentée, est bouleversante.
Bouleversantes aussi ces formidables musiques de John Barry et W.A.Mozart, tantôt majestueuses comme les grands espaces prodigieusement bien filmés tantôt intimistes comme les moments de présence de Denys auprès de Karen. Le fondu de ces deux styles de musique issue d'époques différentes est remarquable. Et puis, que dire de l'interprétation de Meryl Streep et de Robert Redford si ce n'est qu'elles sont prodigieuses comme celle des autres acteurs, entre autre Klaus Maria Brandauer, Michael Kitchen qui sont au diapason.
Certains diront que cette œuvre n'est qu'une jolie romance dans un contexte historique passant au second plan. Peu importe, le film nous fait vibrer, les textes sont parfois shakespeariens, la mise en scène et les prises de vue fabuleuses , la musique et l'interprétation transcendantes. Ce cocktail nous fournit un chef-d'œuvre.